Le Ciel est Partout, Jandy Nelson
12/20
Chronicle
Câest dingue comme je fais toujours des mauvais choix de livres quand je pars en vacances. Qui dit petit voyage improvisĂ© sous le soleil dit passage obligĂ© Ă la mĂ©diathĂšque. Je prends la liste de mes envies avec moi et je repĂšre quelques livres qui mâont lâair pas mal Ă lire sur la plage. Voici donc que Le Ciel est Partout mâaccompagne dans mon escapade au sud du Portugal đ”đč
Jâouvre le livre et je vois que le sujet est le deuil. Je suis superficielle, je choisis mes lectures uniquement en fonction de la couverture. Jâai toujours fait ça car je nâaime pas lire les rĂ©sumĂ©s, jâprĂ©fĂšre dĂ©couvrir lâhistoire au fil des pages. Jâme dis maintenant que je devrais peut-ĂȘtre me renseigner un minimum parce que ça me fait tout le temps ça et yâavait a priori plus joyeux comme bouquin Ă emmener avec moi Ă la plage. Mais câest le jeu, alors letâs go !
En fait, niveau deuil, ça allait, ce nâĂ©tait pas du tout une lecture triste ou dĂ©primante. Jâme disais au contraire que le sujet pourrait apporter de la maturitĂ© au rĂ©cit mais finalement pas du tout. Rien quâĂ lâĂ©crit, je comprends que je vais me faire un peu chier car on est lĂ sur un roman pour filles tout ce quâil y a de plus classique. Je me plains souvent de voir lâĂ©ternelle pimbĂȘche plus clichĂ© tu meurs antagoniste de lâhĂ©roĂŻne dans ce genre de romans. Encore une fois, ça ne rate pas, je nâen suis quâaux premiĂšres pages quâapparaĂźt dĂ©jĂ Rachel, la pimbĂȘche de cette histoire (coĂŻncidence : dans le livre que je viens de lire juste avant celui-ci, la pimbĂȘche sâappelait aussi Rachel. Doit yâavoir un truc avec ce prĂ©nom) qui vient indĂ©cemment embĂȘter Lennie, notre hĂ©roĂŻne, endeuillĂ©e par la mort de sa soeur. Un affrontement sâengage alors entre les deux pour celle qui gagnera le coeur du nouvel Ă©lĂšve de la chorale, le beau gosse Joe Fontaine. Mdr, jâsuis vraiment trop vieille pour ce genre de trucs mais Ă qui la faute ? La mienne Ă©videmment, jâavais quâĂ lire le rĂ©sumĂ© !
Autre chose assez dĂ©sespĂ©rante : la traduction, surtout au dĂ©but du livre oĂč on avait droit Ă profusion de « ouh ! lala », « Oh, oh ! », « Pfiou ! » Noooon, les interjections comme ça, câest juste pas possible. Ă se demander oĂč les maisons dâĂ©ditions trouvent leurs traducteurs, ce problĂšme est rĂ©current dans mes lectures. Les jeunes français (ni les vieux, ni personne) ne parlent pas de cette façon.
Tant quâon y est, jâai pas du tout aimĂ© comment Ă©tait mis en forme le texte dans les tirets. Les tirets signalent des dialogues et il nây a pas de mal Ă ce quâils contiennent aussi de la narration mais pas non plus tout un paragraphe. Je pense que dans ce cas, il est prĂ©fĂ©rable de revenir Ă la ligne ou alors, quand le dialogue reprend, il faudrait mettre des guillemets dans le tiret pour que ça puisse se voir. DĂ©solĂ©e mais je suis trĂšs attachĂ©e Ă une ponctuation qui soit textuelle (la meuf grave chiante) sinon ça part dans tous les sens et de toute maniĂšre, jâtrouve ça bizarre que dialogue et narration se mĂ©langent sans coupure dans un tiret.
Ăa, câĂ©tait pour mes petits points techniques. Pour en revenir au fond de lâhistoire, jâai trouvĂ© que le sujet du deuil Ă©tait bien traitĂ© et les sentiments rĂ©alistes. Lâautrice dit elle-mĂȘme avoir perdu un proche ce qui lâa amenĂ© Ă Ă©crire ce roman. Elle sait de quoi elle parle. En effet, pour avoir perdu mon pĂšre il y a de ça vingt-et-un mois, jâai eu une comprĂ©hension aiguĂ« des rĂ©flexions et des rĂ©actions de Lennie. On en veut Ă la terre entiĂšre de continuer dâexister. Le monde continue Ă tourner, jâentends les oiseaux dehors, lâherbe est toujours verte, le ciel, toujours bleu. Les gens vivent leurs vies, ils conduisent leurs voitures, ils mangent au resto, ils parlent, ils rient. Et moi, je suis lĂ , normale, alors quâau fond, je suis Ă feu et Ă sang. Parfois, on se pose, on y pense et dâun coup, ça revient et câest intolĂ©rable. Il ne verra jamais ça, nâentendra plus jamais ça, je ne pourrais jamais lui dire ça. Je comprends Lennie qui sâest coupĂ©e de sa meilleure amie depuis le dĂ©cĂšs de sa soeur. Ăa mâa fait la mĂȘme chose, jâai arrĂȘtĂ© de parler au peu de monde Ă qui je parlais, des personnes qui me sont pourtant trĂšs chĂšres. JâĂ©tais trop blessĂ©e, trop seule et incomprise. Je suis contente que notre hĂ©roĂŻne se rapproche de nouveau de son amie Sarah. Ătre endeuillĂ©e nâexcuse pas tout.
En revanche, que veut-elle nous faire comprendre quand elle fait dire Ă Lennie :
« Oh, je me fiche de savoir si câest mal de ma part, si jâenfreins toutes les lois du monde occidental, »
Si le monde de Lennie sâarrĂȘte au monde occidental, alors il est bien petit. Câest bizarre parce que câest trĂšs incongru de rajouter « occidental » en mode le monde oriental nâest pas concernĂ© par son deuil. SpontanĂ©ment, jâpense que la plupart des gens dirait âle monde entierâ ou mĂȘme âlâuniversâ. Ce nâest quâun mot dans un ocĂ©an de mot â jâdirais mĂȘme dans un ciel infini de mots đ â, mais jâai vraiment tiquĂ© dessus. Câest si bizarrement formulĂ©. Je nâarrive pas Ă deviner sâil y a un sous-entendu (mon problĂšme, câest quâen tant que âPOC sensitive readerâ (je dĂ©teste me dĂ©signer de cette façon mdr), jâai tendance Ă voir des sous-entendus partout) ou pas du tout âââ
Sinon, jâai vraiment apprĂ©ciĂ© toutes les rĂ©fĂ©rences au titre du livre durant la lecture, peut-ĂȘtre mĂȘme un peu trop de rĂ©fs mais je valorise ce genre dâattention. En plus, je suis une grande admiratrice du ciel alors comment ne pourrais-je pas aimer ? Câest dâailleurs de lĂ que vient ma photo dâillustration de cet article. JâĂ©tais posĂ©e sur mon transat puis dâun coup jâme dis : âbah prend une photo du ciel, teubĂ©â. Câest dans le thĂšme et ça me donne des photos Ă poster sur mon blog, gĂ©nial (je me crois sur bookstagram lĂ ) ! Dans ce livre, le ciel est partout. Encore mieux, ce livre mâa fait rĂ©alisĂ© que le ciel est vraiment partout. Il commence Ă mes pieds, jây avais jamais pensĂ©. En fait, câest pas vraiment le ciel, plutĂŽt l’atmosphĂšre mais les deux doivent sĂ»rement se confondre donc ça reste vrai, et câest plus poĂ©tique de parler de ciel đ
Orh, quand mĂȘme, malgrĂ© les points que je viens dâaborder, cette lecture est restĂ©e peu prenante pour moi car ça nâefface pas tout le cĂŽtĂ© teen de lâhistoire. Au-delĂ du deuil, les sujets abordĂ©s sont la dĂ©couverte de lâamour et hm, jâsais pas comment dire ça⊠lâĂ©veil de la sexualitĂ© ? On peut dire que c’est mignon mais moi, jâai passĂ© lâĂąge.
Yâavait certains Ă©lĂ©ments intĂ©ressants comme le cheminement de Lennie Ă propos de sa mĂšre. Jâai trouvĂ© cela tellement ridicule dâinventer des histoires farfelues de syndrome de la bougeotte pour dissimuler la lĂąchetĂ© de leur mĂšre. Cette femme est immonde, aussi bien vis Ă vis de ses filles que de sa propre mĂšre Manou. Si la vĂ©ritĂ© avait Ă©tĂ© dite dĂšs le dĂ©part, Lennie et Bailey auraient sans doute moins souffert de son abandon. Ă quoi bon crĂ©er des traumas inutiles Ă des petites filles qui nâont rien demandĂ© et qui vont idĂ©aliser leur (mauvaise) mĂšre en croyant que câest de leur faute si elle est partie ? Par ailleurs, Lennie et sa soeur auraient trĂšs vite pu connaĂźtre la vĂ©ritĂ© si elles avaient fouillĂ© un peu dans les affaires de Manou. Notre hĂ©roĂŻne se dĂ©crit comme une fouineuse mais, visiblement, elle ne fouine pas le grenier de chez elle qui est bourrĂ© de rĂ©ponses Ă ses questions. Dommage dâavoir attendu aussi longtemps pour faire Ă©clater la vĂ©ritĂ©. Jâai aimĂ© la scĂšne entre elle et Manou. Câest ce genre de conversations Ă ciel coeur ouvert qui marquent nos vies et nous font grandir. Dans ce passage, jâai surtout retenu le moment de colĂšre de Manou. Ăa mâa rendu triste. Câest dingue comme le deuil peut ĂȘtre si Ă©goĂŻste. Jâdisais plus haut quâon en voulait Ă la terre entiĂšre de continuer de tourner mais dans la souffrance, on oublie que les autres ont besoin de nous, quâils souffrent aussi bien que nous. Jâpense que ce livre est pas mal Ă lire quand on est ado et quâon subit un deuil. Ăa peut aider. Jâcomprends totalement et jâaime la dĂ©marche de Lennie de dĂ©chirer son livre fĂ©tiche. Parfois, on a tellement de rage en soi quâil faut laisser non pas sortir, mais exploser. Ăa doit faire un bien fou.
Jâcomprends aussi la relation indĂ©cente, un peu obscĂšne mĂȘme, entre elle et Toby. CâĂ©tait le truc le plus intĂ©ressant du bouquin. La souffrance et le dĂ©sespoir peuvent pousser Ă faire des trucs incomprĂ©hensibles. Moi, jâsuis pas concernĂ©e par ces excĂšs car jâsuis quelquâun de trĂšs contrĂŽlĂ©e mais, ayant expĂ©rimentĂ©e un deuil difficile, je conçois tellement quâon puisse juste pĂ©ter des cĂąbles de temps en temps. Jâaimerais pouvoir rĂ©ussir Ă me lĂącher un jour mais peine perdue, je suis trop⊠carrĂ© ?!
DerniĂšre chose et je nâaime pas finir sur une note nĂ©gative mais jâai levĂ© les yeux au ciel (bien quâil soit partout) en lisant, je cite :
« Il me touche la joue avec ce geste tendre qui nâappartient quâĂ lui, ce geste capable de me faire croire Ă la fois en Dieu, en Bouddha, en Mahomet, en Ganesha, en la Vierge Marie et toute la clique. »
Franchement. Jâvais mĂȘme pas me donner la peine de commenter ces sottises. Jâpense que mon mĂ©pris doit se lire entre les lignes de cette chronique.
Pour la fin, eh bien je lâai trouvĂ© trĂšs touchante et mignonne. Jâaime quand la boucle se boucle â° Les cent derniĂšres pages sont les meilleures. Jâai apprĂ©ciĂ© le travail de deuil de Lennie ainsi que ses rĂ©flexions sur la perte dâun ĂȘtre aussi cher. Comme câest dur toute une vie sans sa soeur. Câest un bon livre pour ado. Bien que je me sois retrouvĂ©e dans le deuil, la lecture mâa plutĂŽt ennuyĂ© car pour moi qui ne suis plus ado, câĂ©tait assez simplet. Tout ce que je peux me dire maintenant, câest quâil faudrait que je lise Les Hauts de Hurlevent un jour ! Jâentends souvent parler de ce titre mais je hais les classiques, je les Ă©vite comme la peste. Jâen peux plus dâĂȘtre inculte ! Allez, jâvais voir si je peux le caser dans ma reading playlist de la la fin de cette annĂ©e đ©
NB : Jâallais tout de mĂȘme pas publier cette critique sans mes photos du Portugal. Quand je me posais pour lire, je me disais aussi que ça pourrait faire des bonnes photos pour la bloggeuse que je suis ! J’avais oubliĂ© Ă quel point c’Ă©tait trop bien d’avoir un blog rien que pour ça : ce plaisir infini de pouvoir dire tout ce que je veux, raconter toute ma vie, montrer tout et n’importe quoi et poster mille fois la mĂȘme photo. Qui va dire quoi ? C’est mon blog. Et j’ai la chance qu’il soit totalement inconnu donc je ne crains aucun jugement.
Je pensais d’ailleurs Ă faire un article sur ma petite escapade portugaise, ça me permet de mettre mes souvenirs Ă l’Ă©crit et ça aide les prochains voyageurs. On verra si je n’ai pas trop la flemme. En attendant, shooting de moi en train de lire sur un petit promontoire rocheux (toutes les mĂȘmes photos hein). La vue Ă©tait magnifique đđâïž
Les extraits que j’ai choisis
Tout le monde m’a toujours dit que je ressemblais Ă Bailey,
mais câest faux.
Jâai les yeux gris, les siens sont verts,
un visage ovale, alors quâelle lâa en forme de coeur,
Je suis plus petite, plus rabougrie, plus pĂąle, plus plate, plus banale, plus fade.
Notre seul point commun : nos boucles folles que j’emprisonne en queue-de-cheval
et quâelle laisse cascader
en furie
autour de sa tĂȘte.
Je ne chantonne pas dans mon sommeil,
ne mange pas les pétales des fleurs,
ne cours pas sous la pluie au lieu de
mâen abriter.
Je ne suis que le modÚle débranché,
la sĆur dâaccompagnement,
recroquevillée dans un coin de son ombre.
Les mecs la suivaient partout :
ils remplissaient les banquettes du restaurant oĂč elle Ă©tait serveuse,
s’agglutinaient autour d’elle Ă la riviĂšre.
Un jour, j’ai vu un garçon surgir derriĂšre elle
et tirer une mĂšche de ses longs cheveux.
Je le comprenais
â Je ressentais la mĂȘme chose.
Sur les photos de nous,
elle regarde toujours vers lâobjectif
et moi, vers elle.
(Trouvé sur un morceau de papier plié et à demi enfoui sous les aiguilles de pin sur le sentier de la Rain River)
AprĂšs ça, c’est comme si je n’existais pas. Il est penchĂ© sur sa guitare, en train de l’accorder avec une concentration telle que j’ai presque le sentiment que je devrais dĂ©tourner le regard, mais je ne peux pas. Ă vrai dire, je l’observe avec des yeux Ă©carquillĂ©s en me demandant quel effet ça doit faire d’ĂȘtre quelqu’un d’aussi cool, bien dans ses baskets, intrĂ©pide, passionnĂ© et tellement VIVANT, comme lui â et le temps d’une microseconde, j’ai envie de jouer avec lui. Envie de dĂ©ranger les oiseaux.
Un peu plus tard, tandis qu’il gratte sur sa guitare, encore et encore, et que la brume s’est entiĂšrement dissipĂ©e, je rĂ©alise quâil a raison. Il a exactement mis le doigt dessus â je suis dingue de tristesse et, tout au fond de moi, je voudrais mâenvoler.
â Tu vas bien ? me demande-t-il.
â Tu ne la connaissais mĂȘme pas. Ces mots sortent malgrĂ© moi, durs, accusateurs. Je lis la surprise sur ses traits.
â Non, dit-il.
Il nâajoute rien de plus, mais moi je nâarrive pas Ă me taire. « Et tu as tous tes frĂšres. »AssĂ©nĂ© comme si câĂ©tait un crime.
Câest alors que je rĂ©alise.
Sans la douceur et le chaos des bras de Toby, sans la distraction sublime de ceux de Joe, il ne reste que moi.
Moi, tel un coquillage avec la solitude de tout un ocĂ©an qui mugit Ă lâintĂ©rieur.
Moi.
Sans.
Bailey.
Pour toujours.
Je jette ma tĂȘte contre mon oreiller pour hurler comme si j’avais lâĂąme fendue en deux, parce quâelle lâest.
Je me demande si les recherches de Bailey pour retrouver notre mĂšre lâauraient fait aboutir au mĂȘme point, câest-Ă -dire auprĂšs de Manou. Je lâespĂšre. Je pose dĂ©licatement ma main sur son bras en me demandant comment mon petit corps peut contenir autant d’amour pour quelquâun.
Si le thĂšme sous-jacent est un peu lourd pour des vacances, le titre et la couverture allaient de pair avec le lieu des vacances. Tout ce ciel sur le bord de la mer !! Ăa fait rĂȘver. Et c’est une bonne idĂ©e de nous parler de tes vacances un peu, si tu n’as pas trop la flemme de le faire. đ
Que le deuil y soit bien traitĂ©, c’est dĂ©jĂ beaucoup. Celui-lĂ , si je tombe dessus en VO, je le lirais bien.
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Exactement, et je ne regrette pas de l’avoir emmenĂ© avec moi ! Il a marquĂ© ma petite semaine de vacances et j’ai adorĂ© l’Algarve !! Ăa vaut vraiment le coup que j’Ă©crive un article sur mon escapade, c’Ă©tait il y a plus d’un mois donc faudrait que je fasse plutĂŽt vite avant de commencer Ă oublier des trucs đ
Je te remercie pour ton commentaire, passe un bon wk đž
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Oui, ou au moins jeter quelques notes pendant que c’est encore frais pour le rĂ©diger plus tard. Bon dĂ©but de semaine, Amel ! đ
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