Le Regard des Princes à Minuit

Le Regard des Princes à Minuit, Erik L’Homme

Présentation

Être un véritable chevalier, aujourd’hui, est-ce encore possible?
À travers sept épreuves initiatiques, des jeunes gens se lancent dans l’aventure: une expédition nocturne dans la forêt de Brocéliande, l’escalade de la façade de Notre-Dame en cordée, l’intensité d’un combat à mains nues, la découverte d’une danse oubliée avec une cavalière sensuelle… Autant de façons de vibrer, de prendre position dans la société, de dire NON.

Défis humains et missions clandestines, des expériences intenses racontées par l’un des auteurs pour la jeunesse les plus populaires. Erik L’Homme interpelle ses lecteurs et ceux qui ne le connaissent pas encore… Et leur transmet son goût de vivre.

8/20

Chronicle

Cet été 2023 est morne et sans saveur pour moi – comme pratiquement tous mes étés, en fait. Triste vie que je mène 😩. Ma famille de Marseille étant venue séjourner un peu chez nous, à Paris, m’a proposé de venir chez eux en retour. Ça faisait trop plaisir à mon tonton que j’aille le voir puis tout le monde qui me répétait “ça te fera du bien, faut que tu sortes un peu, tu vas changer d’air, tu verras“. Bon, j’ai rien de prévu alors pourquoi pas. Au lieu de déprimer dans ma chambre, je déprimerai sur la plage, literally.

Totalement le mood de mon escapade marseillaise.

Devinez qui m’a accompagné sur les plages de la Côte d’Azur ?  Ce livre ! qui fait donc partie de mon challenge #LaListeÀPapa. Alors, je n’avais aucune idée que c’était un recueil de nouvelles, je l’ai découvert en allant le chercher à la médiathèque. Ça doit bien faire dix ans qu’il est dans la liste de mes envies et me connaissant, je sais exactement pourquoi je l’ai ajouté à cette époque : le titre. J’adore. Un petit truc poétique comme cela et il m’en faut pas plus pour être convaincue. En plus, la couverture est vraiment belle et rappelle les soirs bleus d’été picotée par les blés. Bien que je ne sois pas trop nouvelles, je me laissais tenter par ce recueil qui me paraissait parfait pour des petites vacances dans le sud. 

Eh bien, j’aurais mieux fait de le laisser à la médiathèque, hein. Je me suis donné une heure et demie pour le lire (j’ai rajouté la demie car j’aime être large). Mieux que ça, je l’ai pris avec moi pour une full journée plage avec ma famille en me disant que je lirai petit à petit entre les baignades, les en-cas, les petites balades et les bronzettes au soleil. Alors côté plage, c’était génial ; côté lecture, c’était… plutôt la douche froide. Pour dire, au lieu de la grosse heure que j’avais fixé au départ, j’ai passé trois jours dessus ! 130 petites pages mais j’aurais bien dit 5000 vu comme c’était long à finir.

Pas que c’était long, en fait. J’dirais plutôt sans aucun intérêt me concernant. Ça avait pourtant le mérite de bien commencer. J’ai beaucoup aimé la note de l’auteur au début qui annonçait la couleur de ce recueil. Moi j’adore les actes héroïques et les valeurs chevaleresques. Battons-nous pour notre liberté, pour la justice, pour la vérité. Faisons la révolution.

« Et moi, si j’avais aujourd’hui seize, dix-sept ou dix-huit ans, comment est-ce que je serais révolutionnaire ? En quoi le système me paraîtrait-il insupportable ? Quel exutoire flamboyant offrirais-je à mes hormones surchauffées ? C’est ce genre de questions que je me suis posées et auxquelles ce récit tente de répondre.

Si le propre de la jeunesse est de se révolter (parfois avec raison), celui du système reste d’enfermer ces révoltes dans des impasses, de les canaliser, de les détourner à son profit. »

Comment ne pas penser aux révoltes du mois dernier après la mort de Nahel, Allah yarahmou ? Ma jeunesse torturée, étouffée, enchaînée. Ma jeunesse qui ne cherche qu’à respirer. Mes frères et mes soeurs, qui savent le combat perdu d’avance mais qui se battent quand même parce qu’il le faut. Voici de véritables héros. Est-ce que ce livre va parler de cette jeunesse-là, les oubliés, les laissés-pour-compte ?

La lecture s’annonçait pas mal. J’aimais beaucoup le concept de faire renaître la chevalerie dans notre société actuelle. J’avais donc hâte de me plonger dans le récit. Imaginez ma déception dès la première nouvelle, quelle douche froide. 

« À une autre époque, les femmes se battaient pour ne plus être considérées comme des femmes ; aujourd’hui, voilà qu’elles luttaient pour l’être de nouveau ! »

Ah bon ? Moi qui pensais que les femmes luttaient pour leurs droits et leurs libertés mais en fait, c’était pour être des hommes ? Et donc d’après le texte, être traitée comme un homme c’est accepter de prendre des coups comme un homme du coup maintenant les femmes préfèrent redevenir des femmes, c’est ça ? Propos digne d’un incel.

Et trois pages plus tard, on a le droit à un peu de masturbation intellectuelle qui se conclut par la femme qui dit : « L’intelligence peut être un obstacle, parfois, quand elle tourne dans le vide. » Ah, parce que ce que j’suis en train de lire n’est pas vide ? C’est pas parce que les personnages ont un club très sélect de danse de la marzuka et qu’ils connaissent des références comme Cyrano qu’ils sont plus intelligents que les autres. Bourgeois à la limite mais pas plus intelligents, non. Puis la marzuka, franchement… c’est d’un ringard. 

La deuxième nouvelle, mouais, ça va. Je pense que c’est la meilleure de toutes car c’est celle qui se rapproche le plus d’une ambiance chevaleresque sans porter de jugement sur le reste du monde, qui, lui, n’est pas chevalier. Cela étant dit, l’auteur force trop sur la prose pour rendre le récit poétique plus qu’il ne l’est. J’ai trouvé que l’écriture n’était pas spontané, voire, même un peu rigide. Guillaume et Vladimir semblent être coincés dans des dialogues qui veulent se donner un genre un peu deep. Parfois, il suffit juste de fermer les yeux et lever la tête vers l’océan d’étoiles au dessus de nous, d’écouter les bruits de la nature et de la forêt et se laisser envelopper par la nuit pour ressentir ce truc au fond de nous. Pas besoin de longs discours ou de références à je ne sais qui et je ne sais quoi. Être un chevalier, c’est s’abstraire de fioritures – hé voilà que je donne des leçons de chevalerie, maintenant !

On arrive ensuite à la troisième nouvelle et là, c’est quelque chose. J’crois bien que c’est la plus mauvaise tellement elle est caricaturale. On en frise le ridicule. C’est pas parce que tu lis des livres que tu es meilleur que ceux qui regardent la télé. Est-ce que j’ai vraiment besoin de l’écrire ? Le pire, c’est de s’arroger le droit de décider de ce que les gens doivent faire à leurs places. Patrick, plus prétentieux tu meurs, se croit l’élu qui doit délivrer les gens de la télé. J’vois pas où est la chevalerie à faire chier les petites gens qui n’ont rien demander. Ce que dit Patrick est très bateau, nous savons tous que nous sommes les esclaves du capitalisme dans un régime qui n’a de démocratique que le nom. Et donc ? S’il veut que les gens lisent des livres, il n’a qu’a braquer les sièges de leurs entreprises, pas détruire des antennes relais en cachette la nuit.

En fait, je dirais que ce qui pêche de manière générale dans ce livre, c’est la narration qui est beaucoup trop explicative. L’auteur cherche à nous expliquer et nous démontrer ses points de vues et ça donne plus l’impression d’être de la parlotte qu’autre chose. Tenez, un exemple : 

« L’Histoire est verticale, dit Sylvestre comme s’il réfléchissait à voix haute. De la même façon que le présent est horizontal et le futur une courbe incertaine, quelque part entre l’ordonnée d’hier et l’abscisse d’aujourd’hui… »

Je vais sauter la quatrième nouvelle car je ne me souviens pas de quoi elle parlait et dans mon souvenir, je crois que ça allait. En tout cas, je n’ai aucune remarque à faire dessus.

C’est pas le cas de la cinquième que j’ai trouvé un peu cheloue. Tout d’abord, je me rends compte à ce moment que presque (ou même toutes) les nouvelles commencent par un mec qu’attend un autre mec ou un groupe de gens sur le trottoir. Ça aurait été mieux de changer de pattern de temps en temps. Dans celle-ci, il faut glorifier l’histoire de Notre-Dame, notre histoire, la France qui a plus de mille ans et ses racines profondes. J’sais pas comment le décrire mais y’a une de ces extrême-droite energy qui ressort de cette nouvelle. Même l’escalade de Notre-Dame… fin, c’est une sortie sponsorisée par génération identitaire ou quoi ? Ça me fait rire mais j’vous jure que j’étais dépassée en lisant ça. Et maintenant que j’y pense, c’est vrai que depuis le début… bah y’a un petit sous-entendu, non ? Non, pas sous-entendu, c’est faux. Disons plutôt qu’on peut faire une double lecture de ce qu’on entend par l’ordre des Templiers. Après, ça dépendra de la sensibilité et de l’interprétation que chacun en fait. Pour ma part, j’ai pas du tout aimé cette nouvelle.

S’ensuit les deux dernières qui sont assez similaires puisqu’elles ont toutes les deux comme sujet la secte l’Odre des Chevaliers, une organisation secrètes de chevaliers contemporains qui intronise ici de nouvelles recrues jugées dignes d’en faire partie. 

« […] en référence à la lutte qui doit être menée contre le chaos. Peut-être, insoumis que nous sommes, nous serions-nous appelés le Chaos dans un monde trop ordonné. Mais en attendant, ce monde bouleversé qui est le nôtre justifie l’existence de l’Ordre […] »

Tout comme pour l’illuminé qui voulait péter l’antenne relais, vous êtes qui vous, les “chevaliers“, pour décider que le monde est chaos et qu’il doit être sauvé par vous-mêmes ? C’est d’un pédant, c’est d’ailleurs le grand point commun entre toutes les nouvelles. Y’a un côté donneur de leçon à chaque fois, c’est dommage d’avoir tourné les choses de cette façon. Les valeurs de la chevalerie nous dépassent tous par leur honneur et leur pureté mais l’erreur est de penser que les chevaliers sont eux aussi supérieurs alors qu’ils devraient être nos égaux et peut-être que l’auteur a fait cette erreur. C’est ce que je disais plus haut : l’auteur veut nous démontrer ses points de vues et pour cela, il met en scène des protagonistes qui nous font la leçon (même pire, la morale parfois !) Or, moi, lectrice, je ne cherche pas des leçons ; je cherche des perles de sagesse. Je pense et c’est mon avis de critique – car oui, je suis une critique littéraire – que l’auteur est totalement passé à côté de cette réflexion. 

J’en finis là avec Le Regard des Princes à Minuit. Un si jolie titre avec un concept intéressant mais qui n’a pas su être exploité. Les jeunes hommes que nous suivons durant le récit n’ont pas le panache de chevaliers. C’est plutôt le récit de mecs lambdas (ce qui n’est pas une critique, pas besoin d’être extraordinaire, au contraire) et sans grand intérêt, faut le dire. J’ai eu du mal à finir ce petit bouquin tellement le récit de leurs “aventures“ étaient quelconque, morne. Ils ne livrent pas bataille contre le chaos. J’veux dire, lutter contre l’emprise de la télé dans nos sociétés, ou pour la glorification de l’histoire de France ou encore pour faire renaître des trucs du passé comme la mazurka, c’est quand même un peu bateau, passif, sans aucune consistance. J’aurais voulu voir dans ce recueil des chevaliers des temps modernes engagés dans de vrais combats comme l’antiracisme, les violences policières et étatiques, la protection de l’enfance (véritable angle mort de la politique sociale en France), les dérives de nos démocraties, la crise des migrants, la crise climatique, la surconsommation. Y’avait tellement de sujets à illustrer. Des activistes dévoués, y’en a pleins. Ce ne sont pas des chevaliers mais ils en ont toute la noblesse. Y’en a qui me diront peut-être que je suranalyse cet ouvrage mais c’est ce que m’a donné à penser cette lecture et quoi de mieux qu’un livre qui nous fait réfléchir ? Mission accomplie pour l’auteur. 
Enfin, et j’ai le seum de terminer ma chronique par cette petite note négative mais j’pense premier degré que ce livre pourrait plaire à des mecs d’extrême droite. Y’a un délire patriote/reconquête/pp Napoléon qui est, il me semble, pas du tout intentionnel mais qui pourrait parler à des débiles de fafs. Est-ce que les fafs savent lire ? Vu comme ils sont cons, ils doivent pas souvent tenir de livres donc ouf, on a échappé belle.


Les extraits que j’ai choisis

— « La porte est en dedans. »  Qu’est-ce que ça veut dire ?
— Plein de choses et rien du tout. Je te suggère, pour l’instant, de comprendre que les réponses à toutes tes questions se trouvent à l’intérieur de toi.
— C’est un peu bateau, non ?
Guillaume éclata de rire et Vladimir se joignit à lui de bon cœur.
— Tu as raison ! En ce cas, levons les voiles, et en route pour le Val-sans-Retour !

— Je ne comprends pas.
— Je vais faire un cadeau aux gens de la colline, Martin. Je ne suis ni un terroriste ni un libérateur : je suis le père Noël. Et qu’est-ce que je vais leur offrir ? Une soirée sans télé ! Une soirée pendant laquelle ils pourront se regarder, se parler, jouer, et même, tiens, soyons fous, lire un livre. 

Hadrien resta longtemps pensif avant de se décider à les rejoindre, et Maxime, en l’observant, songea à cette histoire d’Alphonse Daudet, cette chèvre affrontant le loup, sachant le combat sans issue mais attendant fébrilement l’aube. Maxime aussi avait eu, pendant ses combats, une vision très claire de l’aube, et, depuis, ses pensées allaient souvent vers Renaud et le Blanquet. L’une après l’autre, Elles s’étaient enfuies pour croquer les fleurs sauvages et danser avec les loups. Elles avaient donné à leur existence sans le savoir (mais qui peut dire ce que savent les chèvres ?) une densité inconnue des autres animaux.
Elles avaient montré au monde en général – et à M. Seguin en particulier – que la vraie vie, qui exige l’instant et l’éternité, se moque bien de la durée.
Elles avaient préféré, plutôt qu’une existence triste et paisible dans leur bergerie, quelques heures sur la montagne, l’éternité des chèvres contre un instant, un éclair, l’espace d’une nuit à attendre les premiers rayons du soleil, le goût plus fort de l’herbe, la lueur aveuglante des étoiles.
Elles avaient accepté le prix à payer pour vivre mieux, elles étaient allées à la rencontre du loup – combat ultime !
Dans le miroir des prunelles ardentes, elles s’étaient vues pour la première fois…

— « Maintenant que te voilà devenu chevalier, médite sur les valeurs de la chevalerie, médite sur toi et sur qui tu es. Respecte l’héritage de tes pères ; avec toi marchent ta lignée et ta dignité. Montre du courage et bataille contre l’injustice. Sois modeste et honnête, sois sincère et poli. Sois bon avec les miséreux et fier avec les puissants. Honore et aime toutes les femmes. Sois généreux et fiable ; œuvre toujours dans ce sens. Car ni l’or ni l’argent ne s’accordent mieux à la lance et au bouclier que la loyauté infaillible et la générosité. » Ces phrases datent de 1210. Il n’y a rien à enlever ni à ajouter aux conseils que le roi Marc’h adressait à Tristan.

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