Imago, Nathalie Le Gendre
16/20
Chronicle
C’est une belle histoire, je suis contente d’avoir lu ce livre. Je dirais que j’ai eu une lecture coupée en deux.
En dehors du prologue, la première partie du roman n’était pas très intéressante. J’ai même trouvé que c’était bizarrement très chiant à lire alors qu’on aurait pu s’attendre à une suite effervescente tout juste après la mort de Shin. Et en effet, parlons de la mort de Shin dans le prologue qui est juste archi hardcore ! Je me suis demandé pourquoi en tant que future chef du clan des armuriers elle était partie accoucher seulement accompagnée de son mari dans la forêt. Pourquoi n’y avait-il pas une escorte avec elle pour l’accompagner au moins jusqu’à la moitié du chemin ou alors couvrir ses arrières ? De même, quand Shin était vivante, elle était donc l’héritière directe de la fonction de chef et ça ne l’empêchait pas d’aller visiter le W’amu alors pourquoi Neï, qui a pris sa suite à sa mort, ne pourrait-elle pas cumuler les deux fonctions à la fois ? Il y avait ces petites questions techniques que je me posais tout au long de cette première partie et qui m’ont un peu lassé de ma lecture. En plus de ça, les noms des personnages constitués en majorité d’une seule syllabe ne sont pas astucieux. Au début, j’avais du mal à les retenir donc je devais constamment me souvenir de qui était qui.
Puis, à la moitié du livre, voilà que l’histoire redevient très intéressante ! C’était intriguant car on ne savait pas trop où la fin aller nous mener. J’ai lu la deuxième partie du roman d’une traite. J’ai beaucoup aimé Neï et j’étais tellement
voir le spoil
triste pour elle. La mort de Jynx est d’une tristesse. Les T’surs, les hommes blancs, sont si sauvages et sans pitié. Ils viennent dans l’espoir de trouver un remède chez les K’awils pour une maladie qu’ils ont eux-mêmes créée mais quand ils rencontrent enfin ces fameux K’awils, ils les massacrent. J’ai trouvé que c’était une bonne illustration de la colonisation et de la façon dont elle s’accompagne systématiquement de la destruction de l’environnement. D’un côté, le peuple natif, culturellement accomplie, qui vit en harmonie avec son environnement et la nature ; de l’autre les blancs, particulièrement agressifs et qui ne sont jamais venus en paix, synonyme de destruction. C’est drôle parce que les T’surs disent des K’awils qu’ils sont des “sauvages“ et des “animaux“ alors même que c’est eux qu’ils le sont avec leur mépris de la vie et de la nature qui semble comme inscrit dans leurs ADN. Le rapport colon/colonisé était très réaliste, j’ai apprécié. D’ailleurs, NeÏ aurait pu tuer le T’sur qui a tué son mari mais elle ne le fait pas car elle respecte beaucoup trop la vie humaine pour ça.Quelle clémence, quelle humanité. Pas sûre qu’on aurait tous fait la même chose.
Eh bien, merci à l’auteure pour cette histoire, c’était touchant. L’idée de vivre comme vivaient mes ancêtres me traverse l’esprit de temps en temps. Je me demande ce que ça fait d’être si proche de la nature, si proche de son sang, de ressentir les montagnes, le ciel et le désert couler dans ses veines. Le monde des T’surs, ça lasse à la fin (puis, t’façon, ils ont détruit la planète sur laquelle on vit donc bon, contentons-nous de profiter des trente ou quarante prochaines années avant la fin du monde).
Les extraits que j’ai choisis
— Bienvenue dans le monde des adultes, Neï, fille de Yon, femme du peuple K’awil.
Sous l’effet du breuvage, Neï se sentit légèrement tanguer, mais une douce sérénité envahissait son corps. Elle était acceptée et pouvait désormais parler et agir en femme. C’est à ce moment qu’elle croisa le regard de Jynx. Un doux regard. Elle frissonna.
Ix Chel frappa dans ses mains deux fois. Le son d’une flûte accompagna les tambours, et un groupe de danseurs se plaça en rond autour de Neï, pour entamer une lente chorégraphie. Jynx en faisait partie. Il se rapprocha d’elle.
Les yeux du jeune homme s’accrochèrent aux siens.
Tambours.
Des frissons picotèrent sa peau.
Tambours.
Son cœur bondit au même moment.
Les tambours accélérèrent le rythme.
Encore et encore.
Son cœur à l’unisson.
Tel le galop d’un cheval.
Le corps de Neï ondula, comme en transe. Ses pieds frappèrent le sol. Elle tournoya sur elle-même, les bras levés vers le ciel étoilé. Son esprit quitta son enveloppe charnelle est s’éleva au-dessus du clan. La jeune femme sentit la chaleur des flammes la caresser, le froid de la nuit l’effleurer, l’amour de sa mère et de sa sœur, les vibrations intenses d’un corps près d’elle… et le souffle d’une haleine sur sa nuque.
New revint subitement parmi les danseurs. Elle se tourna. Jynx la fixait, les yeux fiévreux.
Les tambours cessèrent, laissant les danseurs pantelants. Une lente mélodie, où se mêlaient les flûtes, les maracas et le chant des hommes, s’éleva alors.
Neï resta immobile face à Jynx. Elle pouvait respirer son odeur. Un mélange enivrant de terre, de feu et de musc. Ses narines palpitèrent. Du bout des doigts, Elle effleura ses mains. Ils dansèrent sans se quitter des yeux, sans que leurs corps se touchent, à seulement quelques centimètres l’un de l’autre, dans une bulle isolés du reste du monde.