Ahlam

Présentation

Lorsqu’en 2000 Paul, célèbre peintre français, débarque aux Kerkennah en Tunisie, l’archipel est un petit paradis pour qui cherche paix et beauté. L’artiste s’installe dans « la maison de la mer », noue une forte amitié avec la famille de Farhat le pêcheur, et particulièrement avec Issam et Ahlam, ses enfants incroyablement doués pour la musique et la peinture. Peut-être pourront-ils, à eux trois, réaliser le rêve de Paul : une œuvre unique et totale où s’enlaceraient tous les arts.
Mais dix ans passent et le tumulte du monde arrive jusqu’à l’île. Ben Ali est chassé. L’islamisme gagne du terrain. L’affrontement entre la beauté de l’art et le fanatisme religieux peut commencer.

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Chronicle

Quelle merde.

Je savais que ça n’allait pas me plaire. C’est pour ça que je déteste lire ce genre de livres. Avant même d’avoir checké ne serait-ce que le résumé, je savais que cette lecture allait m’énerver. Sauf que j’pensais clairement pas que ça allait m’énerver à ce point. En fait, je n’ai pas pu finir. Je me suis forcée à lire attentivement jusqu’à la page 80 puis j’ai fini par lâcher l’affaire. J’ai tout de même lu en giga maxi grande diagonale le reste histoire d’avoir une petite vue d’ensemble malgré tout et je confirme, c’est à chier. Je suis en colère que l’on puisse publier ce genre de merde comme si de rien n’était. De la merde raciste, orientaliste, coloniale et fétichiste. Ce livre, c’est une atteinte à la femme tunisienne que je suis.

En fait, c’était tout bonnement impossible pour moi de lire ça. Je m’arrêtais presque à chaque page à cause d’une remarque problématique dans le texte et je la notais à côté pour pouvoir en parler ultérieurement donc arrivée à la 80ème page, c’était trop relou, j’ai préféré y mettre un terme et puis de toute façon, la logorrhée diarrhéique que j’étais en train de lire ne valait vraiment, mais alors vraiment pas la peine que je perde mon temps et mon énergie à l’analyser.

C’est toujours ça le problème des livres écrits par des blancs qui parlent de nous, les basanés, les sauvages ou peu importe comment l’auteur nous perçoit. Il y a toujours ce regard colonial, paternaliste et donneur de leçon. Le pire, c’est que j’suis sûre qu’il ne doit pas se rendre compte de ce qu’il dit tant son discours semble être formaté par des décennies de racisme ordinaire. Dans sa tête, il doit vraiment croire qu’il a écrit une fiction moderne et pertinente sur la Tunisie d’aujourd’hui alors que le regard qu’il pose sur mon pays (qu’il soit inconscient ou non) est poussiéreux, méprisant et profondément indécent. Et moi, très sensible au poids du racisme et de l’héritage colonial qui pèsent sur les solides épaules de la Tunisienne que je suis, je ne peux plus tolérer ça. Quelle tragédie d’être une femme du Maghreb, bonne qu’à être objectivée, sexualisée, DEVOILEE. Quelle tragédie d’être un enfant de colonisés dans un monde de colons. Je parle pour ce livre mais je parle aussi pour tous les autres livres, la télé, le cinéma, la presse… Noir ou Maghrébin, on a toujours le mauvais rôle, putain y’en a marre.

Jetons maintenant un coup d’œil sur ce chiffon. Du coup, je propose de structurer ma chronique par rapport aux remarques que j’ai notées jusqu’à la page 80 pour que vous voyez à quel point c’était tendu.

  • PAGE 12

Dès le début, on nous présente un peintre colon et orientaliste qui vient chercher l’inspiration qui lui manque dans des recoins exotiques à la manière des Delacroix et autres bouffons. Ah là là, ces bonnes vieilles colonies, rien de mieux que d’aller faire un p’tit tour dans ce monde sauvage et inexploré pour bien se requinquer. Sérieux, il n’y avait pas moyen de décrire ça autrement ?

  • PAGE 13

Si quelqu’un sait, j’aimerais bien qu’on me dise ce que signifie le « on va croire que… » de la femme de ménage car je n’ai pas saisi du tout. Pourquoi ne pourrait-elle pas prendre le tableau ? Il est où le souci exactement ?
L’échange de Paul le grand artiste avec cette même femme de ménage est parfaitement ridicule et tout droit sorti de l’imagination de l’auteur. Ce dernier veut tellement parler de Ben Ali qu’il fait dire n’importe quoi à ses personnages. Mais quelle femme de ménage dirait ça à un étranger qu’elle ne connaît même pas ? Aucun réalisme.

  • PAGE 15

C’est ici que j’ai su que je n’arriverais pas à finir le livre. Trop de conneries :

« Il comprit aussi qu’il avait besoin de faire l’amour. Ce désir-là était également revenu. Mais ce n’était pas la saison des touristes et il n’était pas question de chasser la gazelle locale. »  

La gazelle locale ? Puis quelle gazelle voudrait de toi, pauvre type ?! Animalisation, érotisation, objectivation, bref, dégueulasse. Pourquoi à chaque fois que marc alias merde trévidic parlent des femmes tunisiennes dans son torchon, ça pue toujours le sexe ??????

  • PAGE 19

Vous voyez ? c’est absolument impossible de lire en s’arrêtant toutes les deux pages ! Et ici, je m’arrête encore car l’auteur nous décrit bien ce qu’est le privilège blanc, à savoir se croire tout permis dans nos pays. Bah oui, c’est un blanc français lui, il a le droit de tout faire ! Il a même le droit de nous chier dessus. Quand je pense aux débats de racelards décérébrés sur l’existence du « racisme anti-blanc » en Afrique du Sud hahaha, qu’est-ce qu’on se marre.

  • PAGE 21

« Ses yeux bleus de berbère illuminaient son regard marin. »

Ceci, par exemple, est un fantasme, en plus d’être du colorisme. Les yeux bleus ne sont pas des yeux de berbères (d’ailleurs d’où vient ce mythe de merde ?) Le peu de maghrébins aux yeux bleus sont métissés. Nous, on a des yeux noirs de cochons, c’est ça que tu veux dire ? Bouffon, va.

  • PAGE 25

« Toute la famille était toujours bien habillée, à l’occidentale. »

Donc être habillé à la tunisienne, c’est être mal habillé ? On remarque très bien le mépris de l’auteur sur une culture autre que la sienne. On le remarque tout au long du livre, en fait, ce qui est insupportable. Paul se lie d’amitié avec Farhat parce que Farhat, c’est un Tunisien dépeint comme “occidentalisé“ avec un entourage de professeurs (sous-entendu que le savoir et la connaissance sont les apanages des Occidentaux et l’ignorance et la bêtise les apanages de nous autre les sarrasins, les basanés). C’est simple, tout ce qui n’est pas occidental ou qui ne veut pas l’être est perçu comme hostile et dangereux dans le livre (cf. Nourdine et sa famille).

  • PAGE 32

« Fatima, la mère de Farhat, portait une robe de coton de bleue suffisamment ample pour ne pas accentuer ses rondeurs conséquentes. Nora était toute de blanc vêtue, une longue robe de lin qui descendait jusqu’au mollet tout en laissant deviner ses formes exquises. »

L’auteur ne décrit les femmes tunisiennes que par leurs courbes et leurs formes. On est au summum du fétichisme et de l’orientalisme. C’est affligeant.

  • PAGE 33

« — Tout est majoritaire en France. C’est ça, la démocratie, renchérit Nora gneugneugneu »

Bon, là on repart encore sur Ben Ali. Bah oui, c’est vrai que nous les sauvages d’Afrique, nous rêvons tellement de la démocratie à la française. Ô maîtres colons, venez-nous honorer de votre mission civilisatrice ! En échange, prenez toutes nos ressources naturelles et si vous violez ou torturez sans faire exprès un indigène qui passait par là, c’est pas grave, il y en a pleins d’autres !

  • PAGE 36

« Il avait cru que Farhat, religion oblige, ne buvait pas. Il comprit vite le contraire. Deux camarades sur une felouque et sous un soleil de plomb avaient bien le droit au verre de l’amitié. Allah n’y trouverait rien à redire. Juste une petite réprimande peut-être, sous la forme d’une mauvaise conscience a posteriori. »

Ahhhhh, je l’attendais la petite pique sur l’Islam. Je me disais bien qu’elle allait venir. Ces torchons racistes sont tellement prévisibles, je pourrais presque y prévoir les insultes et les moqueries qui nous sont faites. Connard, va.

  • PAGE 51

Alors là, c’est vraiment une blague, somme toute prévisible encore une fois. Les blancs aiment trop faire parler les femmes maghrébines de sexe que ce soit dans les films ou dans les livres. Ces pauvres et si pudiques maghrébines prisonnières et sexuellement réprimées. Une Maghrébine qui parle de cul, c’est une Maghrébine libérée, ouaiiis la liberté, bleu blanc rouge aaahhh vive la France. Ta7an, va.
Et la façon dont ce vicelard d’auteur décrit tout ça, beurk. Il juxtapose tradition du mariage, la 7enna, la musique, le 7ammam etc. avec le sexe avant le mariage. Evidemment, c’est vrai que quand on est cloué sur son lit de mort par un cancer effroyablement douloureux, la première chose qu’on fait, c’est raconter à un inconnu (qui fantasme secrètement sur soi) ses folles nuits sexuelles avant son pur mariage dans la tradition. Mais putain, qu’est-ce que j’suis en train de lire ? Ça pue le sexe et l’orientalisme, vraiment affligeant. Vous savez, l’hypersexualisation des femmes maghrébines est un sujet très très sensible pour moi. C’est insupportable pour moi de lire toutes ces insinuations fétichistes à l’innocence feinte.

  • PAGE 60

Un enfant, Nourdine, ne veut pas dire salam à Paul car il n’est pas musulman. Oui, bien sûr, le petit ne veut pas dit bonjour parce que tu es un kafr mdrr c’est la meilleure celle-là, au-delà même du fait que vous ne verrez jamais ce genre de choses, que l’auteur se plaît tant à nous raconter, dans la réalité, la Tunisie entière, bien indifférente à la religion de Paul, lui mange dans ses mains de blanc mais vu qu’un petit ne veut pas le saluer, on est tous des méchants terroristes. Racelard, va. Et pour info, l’auteur est décrit comme « spécialiste de l’Islam »… hé ho, les spécialistes du dimanche, occupez-vous un peu de vos vieux culs bien moches de racistes et laissez-nous tranquille ! Putain mais on peut pas souffler dans ce pays, tous les jours à se branler sur nous, carrément à nous chier des livres bien ridicules comme ça, là.

  • PAGE 71

« Il devait faire attention, Paul était un Français. Ce qui signifiait : Paul est un chrétien. »

Quand ça parle pas de cul, ça parle de religion. En puis c’est totalement faux. Français rime beaucoup plus avec agnostique ou athée que chrétien. Vous voyez le parti pris de l’auteur ? Son obsession de l’Islam ? Sa volonté de la faire passer pour une religion intolérante, violente et pauvre d’esprit ? Mais quelle merde ! Insupportable de lire ces conneries. En outre, voici la correction : « Paul était un français. Ce qui signifiait : Paul est un colon. »

  • PAGE 80

Alors là, je suis sidérée. C’est d’un ridicule. Est-ce que l’auteur se relit même ? Non mais franchement, c’est la Tunisie pas l’Afghanistan ! À peu près toute la jeunesse tunisienne ne rêve que de s’exiler en France et de vivre à l’occidental. Le salafisme est un mouvement hyper récent quasi inexistant en Tunisie en 2001 et encore moins dans les îles perdues des Kerkennah. L’auteur haït l’Islam, on le ressent à chaque putain de mot de ce putain de livre, il fait même pas semblant d’être objectif. C’est invraisemblable.

Après tout ça, c’était plus possible pour moi de continuer sérieusement à lire cette merde. Lire une critique, c’est une chose, mais lire un torchon raciste insultant et dénigrant vis-à-vis de ma communauté et de moi-même en tant que femme racisée, s’en est une autre. J’ai feuilleté le reste et c’est pas beau à voir non plus. Donc

voir le spoil Paul et Ahlam vont se mettre ensemble. Waouh le gentil homme blanc qui va libérer la pauvre femelle indigène des bras violents de ses sauvages de père et frère,

que c’est original…
Il y a quand même un côté vachement pédophile là-dedans. Il est tombé amoureux de la mère, mais pas de chance, elle est morte. Du coup, il a attendu que la petite qui n’avait, je crois, même pas dix ans au début, arrive à maturité pour reprendre le relais ? Archi glauque.

Et puis comment oublier le petit passage p°192 je cite :

« Cette révolution [celle de 2011] ressemblait à une révolution occidentale, à la française. C’était indécent, contraire à l’Islam et, en quelque sorte, ni plus ni moins qu’un vol. »

Décidément, l’Islam c’est pas son kiff. Regardez-le, tout le paternalisme et le colonialisme avec lequel il parle. En quoi est-elle indécente ? Hé ho sombre merde, tu parles d’un peuple qui a lutté pour sa liberté et pour son indépendance, comme tout le reste de notre continent torturé. L’Afrique ne doit rien à la France ; la France lui doit tout. Puis, tous ces sous-entendus, beurk. Une révolution à la française ? Oui, bien sûr, le bourgeois envoie le gueux se salir les mains à sa place. Tu me diras, des gueux, de France ou du bled, ça reste des gueux (dont la vie de l’un est supérieure à l’autre, bien évidemment (j’voudrais pas non plus brusquer l’auteur qui a l’air d’avoir un avis bien tranché niveau hiérarchisation de groupes humains)), hein, c’est ça que tu veux dire ?

Bref, si jamais vous tombez sur cette merde un jour, ne vous risquez pas à l’ouvrir. Faites-en une cale pour une table bancale, un dessous de verre, du bois de chauffage. Moi, perso, j’ai renversé mon Fanta dessus au Mcdo sans faire exprès. Au moins, ça a eu le mérite d’atténuer l’odeur de merde qui empestait de ce livre. Putain mais j’arrive pas à croire que la médiathèque achète des livres comme ça ! Foutez-moi cette 5aria à la poubelle ! Sa mère, là. Et dites à l’auteur de retourner se branler sur la catégorie b******* de ses sites pronos, ça nous évitera qu’il nous chie encore des conneries pareilles, sa puuuutain de graaaand-mère, là.

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