Tombouctou, Paul Auster
13.5/20
Chronicle
Willy et Mr Bones : deux pauvâ vieux. Un pauvre maĂźtre et son pauvre chien qui sâaiment Ă la folie, dâici-bas jusquâĂ Tombouctou.
Au dĂ©part, jâavoue avoir eu un peu de mal Ă rentrer dans lâhistoire. Les digressions sont trop grandes ce qui fait que jâavais tendance Ă dĂ©crocher, mais ce qui est surtout trĂšs grand, câest la taille des chapitres ! Et vu que câest un monologue, on ne peut pas vraiment sâarrĂȘter en plein milieu sauf si on veut casser sa lecture. Jâaurais prĂ©fĂ©rĂ© des chapitres plus courts, et peut-ĂȘtre aussi un peu plus concis car Mr Bones est tout compte fait, aussi bavard que son maĂźtre.
Donc ce Mr Bones nous retrace sa vie avec son maĂźtre adorĂ©. Willy, lâartiste incompris. Il nây a pas meilleurs termes pour dĂ©crire Willy que « pauvâ vieux ». RĂąleur et grognon et on peut sans doute ajouter affabulateur Ă ses heures perdues car mĂȘme si Mr Bones croyait de tout son cĆur aux histoires quâil lui racontait, moi je suis restĂ©e un peu sceptique sur leurs vĂ©racitĂ©s. Mais Willy nâest pas un mauvais bougre, encore que ses remarques sur les Asiatiques Ă©taient pas mal dĂ©placĂ©es.
JâĂ©tais trop tristoune pour Mr Bones quand il sâest retrouvĂ© seul au monde, tellement loin de son meilleur ami. Jâai beaucoup aimĂ© suivre sa vie de chien vagabond, errant Ă la recherche dâun nouveau toit sous lequel vivre.
Quand il arrive chez cette famille aisĂ©e, je me suis dit cool, il pourra reprendre une vie normale. Mais mĂȘme lĂ , son vĂ©ritable maĂźtre lui manquait trop pour quâil continue Ă mener sa petite vie comme si de rien nâĂ©tait. On ne mĂ©rite pas les chiens, ils sont tellement dĂ©vouĂ©s. MalgrĂ© tous les noms dont on pourrait lâaffubler, Mr Bones restera toujours Mr Bones, le chien fidĂšle de Willy G. Christmas. Ce nâĂ©tait pas le luxe avec Willy, mais au moins, lui, ne lâavait jamais abandonnĂ©. Perso, je nâai pas dâanimal de compagnie mais je trouve ça lamentable de foutre son chien dans un chenil pour pouvoir aller en vacances tranquillou. On doit sâoccuper de son chien, câest censĂ© ĂȘtre un membre Ă part entier de la famille. LaissĂ© tout seul dans un chenil, il doit se sentir si abandonnĂ©.
La fin est triste et mĂ©lancolique. Une vie de chien, câest pas facile ! Mais Willy et Mr Bones se sont bien trouvĂ©s sur cette planĂšte. Et quoi quâil advienne, ils se retrouveront toujours, Ă Tombouctou ou nâimporte oĂč.
Les extraits que j’ai choisis
Quand le temps se rĂ©chauffa enfin et que les fleurs ouvrirent leurs boutons, il apprit que Willy nâĂ©tait pas seulement un casanier scribouillard et un branleur professionnel. Son maĂźtre Ă©tait un homme pourvu dâun cĆur de chien. CâĂ©tait un baladeur, un soldat de fortune prĂȘt Ă tout, un bipĂšde unique en son genre qui improvisait les rĂšgles en cours de route. Ils partirent, tout simplement, un beau matin de la mi-avril, se lancĂšrent dans le vaste monde et ne remirent plus les pieds Ă Brooklyn avant le jour prĂ©cĂ©dant Halloweâen. Quel chien pourrait en demander davantage ? Pour sa part, Mr Bones se considĂ©rait comme la plus chanceuse des crĂ©atures Ă la surface de la Terre.
« Tu veux savoir ce que câest, pour un chien, la philosophie de la vie, mon pote ? Je vais te dire ce que câest. Une seule phrase brĂšve : Ce que tu ne peux ni manger ni foutre, pisse dessus. »
« [âŠ] DĂ©solĂ©, Mr Bones. Jâai fait de mon mieux, mais parfois le mieux ne suffit pas. Si je pouvais seulement me remettre sur mes pieds pendant quelques minutes encore, je pourrais peut-ĂȘtre avoir une idĂ©e. Tâinstaller quelque part, mâoccuper de nos affaires. Mais ma sĂšve fout le camp. Je la sens qui sâen va goutte Ă goutte, et lâune aprĂšs lâautre les choses disparaissent. Tiens bon avec moi, chien. Je vais me reprendre. DĂšs que la perturbation sera passĂ©e, jâessaierai de nouveau dâĂȘtre Ă la hauteur. Si elle passe. Et sinon, eh bien, câest moi qui vais passer, nâest-ce pas ? Tout ce quâil me faut, câest encore un peu de temps. Quelques minutes pour reprendre haleine. Et puis on verra. Ou non. Et si on ne voit pas, alors il nây aura rien que lâobscuritĂ©. LâobscuritĂ© partout, aussi loin que ne porte plus le regard. JusquâĂ la mer, jusquâaux profondeurs saumĂątres du nĂ©ant, oĂč rien nâexiste ni nâexistera. Sauf moi. Sauf pas moi. Sauf lâĂ©ternitĂ©. »