La fille qui n’avait pas de livres

La fille – critique littéraire à ses heures perdues – qui n’avait pas de livres, c’est moi, la seule, l’unique, la sublime, l’incroyable, la brillante, la jeune et seuukssy, les gros cheveux, la phénoménale, la FunkyDiva, moiiii, Ameeeel 💫

J’ai toujours aimé les livres mais je n’en possède pas. 

Mon amour des livres, c’est ma mère qui l’a initié en moi. J’ai la chance d’habiter dans une ville avec un super réseau de médiathèques. Du coup, j’ai toujours squatté la médiathèque de chez moi, que cela ait été en lien avec des projets de mon école primaire (les deux établissements travaillaient ensemble à cette époque), ou parce que ma mère nous y emmenait mon frère et moi. Quand j’étais petite, ma mère nous emmenait tous les weekends à la médiathèque. On empruntait toujours des livres. C’est un lieu que j’aimais énormément, vraiment ma safe place (j’aimerais encore pouvoir dire ça aujourd’hui mais ce n’est plus le cas depuis bien longtemps, c’est devenu un lieu tellement impersonnel, je déteste être une anonyme inconnue parmi d’autres anonymes inconnus (j’en parlais dans une update sur cette chronique)).

La vie peut être tellement ironique parfois. Ma mère n’a pas eu la chance d’aller à l’école, ça veut dire qu’elle n’a jamais appris ni à lire ni à écrire. Pourtant, c’est d’elle qu’est née ce petit amour que j’ai pour la lecture, ce grand amour que j’ai pour l’écriture. Si je tiens ce blog de critiques littéraires aujourd’hui, c’est parce qu’elle était là au début. Du plus loin que je me souvienne, elle nous emmenait tout le temps à la médiathèque et on rentrait toujours avec pleins de nouveaux livres à la maison. Un jour elle m’a dit un truc que je n’ai jamais oublié. Moi je ne sais pas lire et toi tu lis beaucoup alors c’est pas grave parce que tu lis pour deux. Des si jolies mots. Ma mère nous emmenait à la médiathèque juste pour nous occuper, c’était un peu comme la récrée. Qu’on lise ou qu’on ne lise pas, c’était pas ça qui comptait, elle voulait juste qu’on s’amuse. Je me demande si elle se rend compte de l’impact que ça a eu sur moi, sur ma construction, sur tout le reste de ma vie. Une petite nerd était née. C’est la genèse des chroniques funky.

J’me souviens d’un livre en particulier qui a été le déclic pour moi, une révélation. C’est Tobie Lolness, le tome 2. Je venais de faire mon entrée en sixième et je venais à peine d’avoir onze ans, ou peut-être même pas encore. Ma mère était partie à la médiathèque seule, juste comme ça, et elle m’avait ramené celui-là. C’était mon premier gros livre. Fun fact, je n’ai jamais lu le tome 1 de Tobie Lolness ! À l’époque, je ne savais même pas ce qu’était un tome. Mais j’avais quand même tout compris à l’histoire, j’avais mis un mois à le lire et je me souviens encore aujourd’hui la fierté que j’avais ressentie en terminant mon premier gros livre. J’me dis toujours que La Rivière à l’Envers (que j’ai lu quelques mois après) a été mon grand plongeon dans la lecture (j’en parle en intro de cette chronique). Or, Tobie Lolness a été ma révélation, le moment où je me suis rendu compte qu’en fait, j’adorais ça.

Voilà, j’avais envie de raconter comment le début de ma carrière avait commencé. Et c’est comme ça que vous comprenez que la médiathèque a toujours été, depuis ma tendre enfance, mon fournisseur officiel d’histoires extraordinaires et d’aventures fantastiques. Les dames de la médiathèque m’aimaient trop. Y’en a une qui s’appelait Odile et qui était une grande amie de la directrice (qui était aussi ma “maîtresse“) de mon école primaire [J’en parle comme si de rien n’était mais faut savoir que j’ai eu une primaire archi hors-norme et c’était incroyable. Les instituteurs avaient tous un grain, la première étant cette fameuse directrice mais c’était tellement cool ! Ça pourrait carrément être le sujet d’un article !]. Elle me connaît depuis toute petite. Je suis la seule de Politzer qui ai continué bien après le primaire d’aller régulièrement à la médiathèque et pour ça, elle m’appréciait beaucoup. Elles étaient toutes fans de moi de toute façon.

Ainsi, je n’ai jamais eu besoin d’acheter des livres au cours de ma jeune vie (sauf quand c’était pour les cours mais ça ne compte pas. Les livres scolaires sont complètement exclus de cet article). Les rares bouquins que je possède m’ont été offerts. C’est vrai qu’il y avait un côté plutôt cool à avoir ses propres livres 📚 L’idée a fait son chemin. Et pourquoi je n’aurais pas mes propres livres à moi ? Des beaux livres tout neufs ? Bah, y’a la médiathèque, me répondait mon père et il avait totalement raison ! C’était une petite lubie d’adolescence qui n’a pas bien duré.

Ceci expliquant cela, je suis la fille – blogueuse littéraire à ses heures perdues – qui n’a pas de livres. Autant j’adore les livres, autant je refuse d’en avoir chez moi. Bah oui, c’est lourd, encombrant et ça prend la poussière ! Tout ce que je déteste. J’arrive pas à croire qu’il y a des gens qui ont des énormes bibli chez eux, des grosses étagères qui prennent toute la place mais pourquoi ? Il y a deux semaines, j’ai téléchargé TikTok (oui, 45 ans après la guerre car je n’aime pas vivre dans mon temps) dans le seul objectif de donner un peu de visibilité à mon blog (hé oui, j’débite un tas avec mes chroniques de dix pages mais en attendant, personne ne les lit, c’est le désert par ici ! D’ailleurs personne ne regarde mes TikTok non plus 🤣🤣🤣 Et tant mieux parce que je m’affiche de ouf ! Heureusement que j’ai eu le bon sens de ne dire à personne de ma connaissance que je relançais mon blog, j’aurais jamais pu enduré leur jugement. Pour qu’ils me voient faire la saltimbanque sur internet ? Non merci !) J’en parle car je découvre actuellement les #BookTok et je trouve ça dingue comme c’est devenu “aesthetic“ d’aimer lire ! J’aurais voulu que ça existe à mon époque, ça aurait été le tremplin parfait pour devenir une influvoleuse qui fait des placements de produits de merde et qui voyage à l’oeil. Au lieu de ça, j’suis sans le sou et au chômage, en recherche d’emploi à préparer des entretiens méga durs pour des boulots quasi inaccessibles. Et le comble, c’est que je déteste travailler !!! Chaque matin j’me lève avec l’incommensurable regret de ne pas avoir ouvert une chaîne YouTube en 2012, j’m’en voudrais toute ma putain de vie. Putain de merde. 

Breeef, Amel arrête de digresser sinon on va jamais arriver au bout de cet article, ressaisis-toi !

Donc, ce que je voulais dire, c’est que je vois ces jeunes gens nous partager des vidéos de leurs énormes bibli et j’vous jure que ça me laisse tellement perplexe. Pourquoi faire ? Tout ça pourquoi faire ? Ils ont pas de médiathèque à côté de chez eux ? Et ça coûte combien toutes ces conneries ? Les livres aujourd’hui sont devenus tellement chers, en plus. Non, vraiment, j’comprends pas. Sans doute dois-je venir d’une autre époque, d’un autre milieu, d’une autre galaxie car c’est tout simplement hors de portée de mon entendement. La manière dont on consomme les livres maintenant, c’est fou. Moi, je prends toujours le temps d’en savourer chacun, même ceux que je n’aime pas et c’est ce qui me permet ensuite d’écrire mes FunkyChronicles dont la réputation n’est plus à faire (réputation qui n’a pas dépassé les quatre murs de ma chambre, s’entend bien).

D’un autre côté, j’peux comprendre. Avant d’être aigrie comme je suis, moi aussi j’ai été une petite ado rêveuse avec pleins d’étoiles dans les yeux. Il y a quelques mois, j’ai retrouvé un vieux mail que j’avais envoyé à mon père. Mon père, mon père, yal ghali. 

J’ai perdu mon père il y a un peu plus d’un an. Ça m’a dévasté. J’en parle un peu dans ma chronique d’Une Vie Ailleurs. Les gens ont raison, c’est vrai qu’avec le temps, ça fait moins mal. N’empêche, il me manque à chaque instant, il est tout le temps dans mes pensées. Vous savez, j’pense que le deuil ne finit jamais. J’ai perdu mon père jeune et j’ai encore toute une vie à tracer sans lui. Comme elle va être longue sans lui, cette chienne de vie. Mais c’était écrit. La mort est une rahma, et la maladie aussi. Je sais que mon père est bien mieux là où il est car Allah sait le mieux ce qui est bon pour nous. Je remercie Allah pour mon père et pour ma mère, pour tout ce qu’il m’a donné, pour tout ce qu’il me donne encore. J’ai eu un père exceptionnel et j’ai une mère exceptionnelle et ça, c’est la plus grande chance de ma vie. Je pourrais encore écrire une trentaine de pages non stop sur mes parents mais je vais m’arrêter là. Ce que je suis en train d’écrire aujourd’hui, c’est juste un petit clin d’oeil que je leur adresse (même s’ils ne le liront jamais).

Revenons à ce fameux mail qui est tout le sujet de cet article – et l’occasion de lancer un nouveau challenge sur mon blog. 

Ce mail est une liste de dix livres que je voulais que mon père m’achète. J’me souviens exactement dans quel contexte je l’ai écrit. Comme si c’était hier. J’embêtais mon père, comme je me plaisais toujours à faire, en lui disant que c’était trop nul que j’aimais autant lire alors que n’avais pas un livre à moi. [Je lui disais exactement la même chose quand j’étais la première de ma classe au collège et au lycée et que j’avais le droit à riiiien, pas même des compliments oraux (alors que d’autres se devait juste d’avoir la moyenne pour que leurs parents leur achètent un iPhone, j’avais trop la rage) et moi, mon père me répondait juste “bah tu travailles pour toi, pas pour moi, moi j’t’ai rien demandé“ mdrrrr il était vraiment dur mon reup 😂😂😂 purée, je l’aime trop] Tu ne m’as jamais acheté de livre alors que tu sais que j’adore lire, je passe mon temps à ça. Les parents devraient être contents de voir leurs chiards lire des putains de bouquins, non ? Alors, comment ça se fait que moi je n’en ai pas ?! Il m’a répondu qu’il ne savait pas ce que j’aimais (et en vérité, j’aime tout tant que la couv’ est jolie car, en effet, je suis une personne profondément superficielle) et que je n’avais qu’à lui faire une liste. Il irait à Leclerc m’en chercher hahah j’me souviens encore de ça. 

Bien évidemment, il ne faut pas me le dire deux fois. J’ai pris la vieille Liste de mes envies (cette maudite liste dont je ne fais que me plaindre) et j’ai commencé à piocher dedans. J’ai envoyé ma petite sélection par mail à mon père et ce fameux mail est resté lettre morte jusqu’à ce que je le retrouve des années plus tard 😂 (mais euuuuh, maintenant que j’y pense, pourquoi j’lui ai pas écrit la liste sur papier ?! Il ne consultait même pas ses mails de toute façon.)

Ce n’est pas grave du tout, je n’en voulais même pas de ces livres, c’était seulement pour taquiner mon père. Qu’est-ce que j’allais bien pouvoir foutre de ces bouquins après les avoir lus alors que huit sur dix (j’ai checké) sont disponibles à la médiathèque ? En plus, la maladie de mon père commençait déjà à avancer à cette époque, je ne voulais pas qu’il se dérange pour des bêtises. Surtout quand je regarde la gueule de la sélection que j’avais faite, la plupart des livres n’ont aucun sens :

Hamburger Games ? Mais qu’est-ce que c’est que ça ? La Liste de mes envies est un capharnaüm sans nom, j’préfère même pas y penser. J’ai d’ailleurs lancé le challenge #liquidation de la liste d’envies (y’a deux ou trois ans je crois et j’ai à peine terminé la première page de la liste. Youhou, plus que 69 455 pages !) et aujourd’hui, en l’honneur de cette mini-sélection que j’avais faite à mon père, je lance le challenge #LaListeÀPapa. Voyons si j’arrive à terminer ce nouveau défi avant la fin de l’année ! [Update : pourquoi je me donne toujours des deadlines que je n’arrive jamais à respecter ?! J’aime trop me mettre en difficulté pour absolument rien 😩]

Je précise tout d’abord plusieurs choses : 

  • Premièrement, j’ai déjà lu C.O.V.E. Abel il y a deux ans de ça, je publierai la chronique prochainement. Donc on est à 1/10 du challenge accomplie ;
  • Deuxièmement, ce sont tous des one shot sauf Zodiaque. Quand je l’avais ajouté à ma sélection, il n’y avait que le tome 1 qui était sorti, je ne pensais pas qu’une suite était prévue. En fait, c’est une tétralogie donc on n’est pas à 1/10 mais à 1/13 ;
  • Les Âmes Vagabondes ne faisait pas partie de La liste de mes envies. J’avais juste une copine qui était en train de lire ce roman à ce moment précis du coup je l’ai rajouté in extremis ;
  • Tous les livres sont dispo à la médiathèque sauf Hamburger Games et Écoute-nous. Je les ai vu chez Gibert pour quelques euros donc je vais les acheter (pour aussitôt les revendre sur Vinted, s’il y en a que ça intéresse).
  • Update : Je me suis rendue compte en m’attaquant à Parfaite que ce n’était pas non plus un one shot mais une tétralogie. À l’heure actuelle, on est donc à 5/16 du challenge accomplie.

Purée, si y’a bien une chose que je déteste faire, c’est acheter des livres, j’ai tellement l’impression de jeter mon argent par les fenêtres. À quoi bon acheter un bouquin pour le lire une fois puis le laisser moisir sur une étagère (moi je ne fais pas de relecture) ? Je suis désolée mais aucun bouquin ne mérite que je mette plus de quatre euros dedans (je suis une pince assumée et certifiée) !! Mais pour ce challenge, je vais faire un petit effort. Quand je serai arrivée au bout de cette liste, ce sera comme si mon père me les avait tous offert.

Je ne possède peut-être pas de bibli, je n’ai aucun livre qui ne m’appartienne mais, au final, toutes les bibliothèques du monde sont les miennes. C’est le monde ma bibliothèque. C’est les pages de ma vie à moi que je tourne tous les jours. Le premier livre de ma vie s’est refermé quand mon père est parti. Je suis actuellement en train d’écrire les premières pages du deuxième. Je lis et j’écris, je lis et j’écris. Comme depuis toujours et à jamais. 

Merci Papa. Merci Maman.