EverWorld, tome 3, K. A. Applegate
16.5/20
Chronicle
Oh non, câest fini ! Vous voulez que jâvous dise ? Eh, bien câest le meilleur livre de cette trilogie intĂ©grale. Je mâattendais pas à ça, tiens ! Jâaime trop avoir des bonnes surprises comme celle-lĂ , ça me conforte dans lâidĂ©e quâil faut terminer les sĂ©ries que je commence car mĂȘme si je suis tombĂ©e sur un tome que je nâai pas aimĂ©, ceux dâaprĂšs peuvent carrĂ©ment bien rattraper le coup (Amel, tu ne fais que nourrir ton cĂŽtĂ© maniaco-obsessionnel en disant ça !)
Enfin le tome de Senna ! DĂšs le dĂ©but, on joue carte sur table. On commence Ă peine le chapitre un quâon a quasi toutes les rĂ©ponses Ă nos questions notamment pourquoi elle a choisi chacun dâeux Ă venir avec elle Ă EverWorld et quels sont ses plans et son but pour la suite. Jâai aimĂ© lire ses rĂ©flexions, câest un perso intĂ©ressant bien que trop mature pour son Ăąge dans sa façon de parler et de se comporter. En fait, elle excelle dans la manipulation. Câest une fille bizarre, profondĂ©ment seule et malheureuse qui nâa sa place nulle part et qui a donc dĂ©cidĂ© de compenser ses faiblesses en devenant lâennemi de tout le monde, une fille arrogante, Ă©goĂŻste et inaccessible pour le commun des mortels que, de toute façon, elle mĂ©prise. Je continue de tourner les pages et jâme rends compte dâun truc que je nâavais pas forcĂ©ment remarquĂ© dans les prĂ©cĂ©dents volumes car on nâĂ©tait pas dans sa tĂȘte : en fait, câest une psychopathe. Ce que je dĂ©cris Ă la phrase dâavant en sont carrĂ©ment les symptĂŽmes. Elle est malade. Du coup, jâĂ©tais partagĂ©e sur son personnage car, Ă la fois, je comprenais ses motivations et sa logique mais en mĂȘme temps, elle ne mâinspirait aucune sympathie. Jâai trouvĂ© que câĂ©tait quand mĂȘme cool dâĂȘtre dans la tĂȘte dâune folle qui « aime les fous » sans jamais se considĂ©rer elle-mĂȘme comme telle.
ParallĂšlement, si Senna a eu le droit Ă son petit tome rien que pour elle, je me suis immĂ©diatement demandĂ© qui allait sauter. Ăvidemment, non pour David, donc il restait les trois autres. Si lâun dâentre eux est privĂ© de tome, est-ce que ça veut dire quâil va mourir ? Lâautrice est tellement safe, elle ne ferait jamais mourir ses hĂ©ros. Je disais dĂ©jĂ au tome dâavant quâils ne rencontraient sur leur chemin que de fausses pĂ©ripĂ©ties car dans tous les cas, ils ne leur arrivent jamais rien, ils traversent chaque dĂ©cor trĂšs facilement sans jamais ĂȘtre atteints par quoi que ce soit. Jâavais hĂąte de dĂ©couvrir qui seraient les prochains narrateurs.
En attendant, on dĂ©couvre enfin qui est la mĂšre de Senna et quelle dĂ©ception, on tombe sur une servante impuissante qui se fout de sa fille comme dâune guigne (finalement, jâaime beaucoup cette expression, dĂ©finitivement rentrĂ©e dans mon vocabulaire). Ă ce moment-lĂ , je dois avouer que jâĂ©tais dĂ©solĂ©e pour la pauvre Senna, abandonnĂ©e une deuxiĂšme fois par sa propre mĂšre ce qui la rendra parfaitement indiffĂ©rente et ce qui est, en dĂ©finitif, le plus triste. Comment ne pas en vouloir au monde entier ?
Fait amusant, sa mĂšre a introduit en Ăgypte everworldienne les grandes chanteuses du monde rĂ©el que les Amazones vĂ©nĂšrent. « La dĂ©esse Aretha » ? La diva de la soul, vous voulez dire ?? Trop cool ! et je suis totalement dâaccord, elle mĂ©rite dâĂȘtre une dĂ©esse dans un autre monde tellement sa soul est magique.
Concernant les Amazones, Senna se demande Ă un passage pourquoi Jolie Petite Fleur, leur cheffe, « nâavait rien de grec ». Et pourquoi elle aurait quelque chose de grec ? Les Amazones viennent de GrĂšce ou dâAmazonie ? (Câest une vraie question, jâen sais rien).
Puis vingt pages plus tard, David et Jalil discutent de la façon dont ils pourraient vaincre les amazones, leurs dangereuses ennemies et April nous sort dâun coup :
« â Oh mais taisez-vous, vous deux, est intervenue soudainement April. Ce sont juste de belles femmes avec de belles jambes et une forte poitrine. »
Donc les garçons parlent de lâintelligence de leurs ennemies fĂ©minines mais elle, elle prĂ©fĂšre parler de leurs seins ? Est-ce que ce serait possible dâenvoyer April se rendormir en attendant quâon finisse la sĂ©rie ? Le trĂšs peu quâon voit dâelle est dĂ©jĂ trop.
VoilĂ pour le tome 1 au coeur de lâillusion. On arrive maintenant au tome 2 oĂč sans surprise, David reprend la narration. Alors ce tome-ci Ă©tait le moins bon de ce volume. Il ne se passe pas grand chose, on apprend rien de significatif, on dĂ©couvre le monde inconnu en question qui est lâAtlantide mais nos hĂ©ros y restent pas assez pour que ça vaille vraiment le coup de dĂ©velopper. Je reviens dâailleurs sur ce que je disais plus haut car, en rĂ©alitĂ©, notre team de choc rencontre quelques pĂ©ripĂ©ties notamment avec le dieu Neptune mais, pff, jâveux dire, rien ne les atteint. On sait dĂ©jĂ quâils sâen sortiront indemnes sans quâil ne leur arrive rien de particulier Ă la fin donc bon, oui, ça se lit, mais câest pas prenant car ils vivent leurs pĂ©ripĂ©ties de loin, si jâpeux dire. Puis, on arrive aux derniĂšres pages du tome oĂč Christopher se fait engloutir par un gĂ©ant et je me dis tout de suite que câest peut-ĂȘtre lui qui meurt vu quâil y en a un qui saute forcĂ©ment de la narration. Mais non, voyons, lâautrice est frileuse, elle ne ferait jamais mourir ses hĂ©ros.
Et donc, non, bien sĂ»r, il ne meurt pas. On le retrouve directement dans le tome dâaprĂšs pris au piĂšge dans le gosier du gĂ©ant. Okay, donc ça va se jouer entre Jalil et April pour le dernier tome. Avant cela, concernant ce troisiĂšme, je me pose tout de suite la question : comment se fait-il que Christopher a le tome le plus long des quatre dans cette ultime intĂ©grale ? Ce nâest certainement pas lui le plus intĂ©ressant de notre team de hĂ©ros. Ce que je pense se confirme rapidement dans le rĂ©cit car Christopher tombe Ă©perdument amoureux de la magnifique demi-elfe Etain et alors quâest-ce quâon sâennuie en lisant sur son crush dâadolescent bien rasoir đȘ. Jâai trouvĂ© que ses Ă©panchements amoureux ralentissaient le rythme ce qui est bien fĂącheux car je mâaperçois au fil des pages que câest le meilleur tome. Toute lâaction, le point dâorgue de toute cette Ă©popĂ©e nous est livrĂ© ici : lâaffrontement avec Senna ! Jâai beaucoup aimĂ© cette partie, câĂ©tait trĂšs entraĂźnant. Câest pour ça que son fol amour pour Etain est saoulant, on sâen fout, en fait ! Et, comme il est amoureux, il va se mettre Ă faire nâimporte quoi pour lâimpressionner, dans dâautres termes, faire que des trucs bĂȘtes. Mais, câest pas trĂšs grave, en vrai, jâai plutĂŽt bien apprĂ©ciĂ© Christopher, on voit quâil a beaucoup grandi depuis le dĂ©but. Surtout, quel plaisir de voir notre Ă©quipe enfiiiiin se dĂ©solidariser de Senna.
Moi non plus je lâaime pas cette petite nazillonne folle furieuse. Tout se recoupe avec les tomes dâavant, câest donc pour ça quâon parlait de groupe de nazis ! Vous savez, jâai lu ce livre et jâĂ©cris cette chronique actuellement au moment des trĂšs grosses #manifestations et #grevegenerale Ă propos de la #ReformeDesRetraites en France. Dâailleurs, les grĂ©vistes sâil-vous-plaĂźt, fumez-moi ce pays ! Tous ensemble contre ces connards du gouvernement #macrondĂ©mission #macrondĂ©capitation. Jâadore cette petite ambiance #revolution, what a time to be French.
Jâen parle car dans le livre, Senna recrute le petit groupe d’extrĂ©mistes dĂ©cĂ©rĂ©brĂ©s car ce sont des illuminĂ©s dont le seul but est de taper sur tout ce qui bouge, ils sont extrĂȘmement violents. Donnez-leur juste des armes et la libertĂ© de fusiller qui passerait par lĂ et ce sera le plus beau jour de leurs vies, le max de leurs existences, leur grand moment de gloire, ce pourquoi ils sont nĂ©s. Vous voyez la connexion avec la police, les crs et les abrutis de la brav-m #violencespolicieres ? Câest littĂ©ralement des hooligans cons comme leurs pieds Ă qui on a donnĂ© des armes pour faire joujou avec. La disproportion de la violence et du recours aux armes contre des manifestants globalement pacifiques est choquante. Quoique pas Ă©tonnant, câest littĂ©ralement le quotidien des noirabes en banlieue (mais visiblement, la violence est plus choquante sur des blancs đ€«). NâempĂȘche, jâen reviens pas des images de #SainteSoline oĂč on aperçoit des manifestants grave tranquilles en train dâexercer leur droit de manifester puis des shlags en uniformes sur des quads en train de jeter des grenades. Ahh, tout ça pour un pauvre trou au milieu des champs ? Non, mais on est oĂč lĂ ? Lâanalogie entre le groupe nazi dans le bouquin et la police dans la vraie vie Ă©tait trĂšs parlante et surtout drĂŽle Ă lire si ce n’Ă©tait pas aussi dramatique. VoilĂ donc ce quâon fait des illuminĂ©s nazillons dans notre pays ? On les fout dans la police oĂč ils pourront vivre de leur passion en toute lĂ©galitĂ© ? AprĂšs avoir fumĂ© le pays, faudrait ensuite sĂ©rieusement songer un jour Ă dĂ©truire et rebĂątir en totalitĂ© lâinstitution policiĂšre qui se partage actuellement entre racisme, misogynie et trou sans fond de bĂȘtises et de dĂ©bilitĂ©.
Revenons-en Ă notre histoire. Faut dire que notre petite sorciĂšre timbrĂ©e avait bien prĂ©parĂ© son coup. Sa petite armĂ©e de nazis est armĂ©e jusquâaux dents face Ă des adversaires everworldiens qui se battent Ă cheval et Ă lâĂ©pĂ©e et qui nâont aucune idĂ©e de ce qui va leur tomber dessus. Moi, jâai juste une question en suspens : comment David Ă©tait au courant quâelle ramenait des gens du monde rĂ©el Ă EverWorld ? Donc, il savait mais voulait encore protĂ©ger Senna. DĂ©cidĂ©ment, yâa rien Ă faire pour le gĂ©nĂ©ral Davidos, lui qui veut ĂȘtre et se prend pour un hĂ©ros mais qui nâest pas capable de reconnaĂźtre la vĂ©ritable ennemie du monde quâil souhaite sauver.
Naturellement, on se demande tout de suite oĂč est Merlin. AprĂšs tout, on est sur les terres du magicien, le seul capable dâarrĂȘter Senna. Il apparaĂźtra donc vers la fin du tome (je suppose quâil devait ĂȘtre en croisiĂšre posĂ© pĂ©pĂšre avant ça) mais ce nâest pas lui qui arrivera Ă bout de la malĂ©fique Senna ; câest sa propre demie-sĆur ! Elles qui se dĂ©testaient depuis le premier jour, bah on peut pas faire plus symbolique que ça comme fin. Si Senna avait Ă©tĂ© plus sympa avec elle, peut-ĂȘtre quâelle aurait eu une toute autre trajectoire de vie. Dommage pour elle, tant mieux pour nous. Franchement, jâdois dire que jâai Ă©tĂ© satisfaite de cette rĂ©solution malgrĂ© quelques Ă©normitĂ©s comme le fait que Senna ne reconnaisse pas sa soeur qui sâest dĂ©guisĂ©e en druide en se collant une barbe sur le menton (et câest donc comme ça que celle-ci arrivera Ă lâatteindre et la tuer). Autre chose : pourquoi Senna dĂ©cide de passer Ă lâaction sur les terres du magicien ? On nous donne pas vraiment de rĂ©ponse Ă cela et ça ne semble pas logique vu comme lâendroit semble dangereux pour elle. Bref, je laisse couler car câest une trilogie jeunesse, je ne demanderais jamais plus Ă un bouquin que ce quâil peut faire et pour moi, ici, ça fait le taff. Dans tous les cas, jâai pris grand plaisir Ă lire !
Il me reste deux petites remarques sur ce troisiĂšme tome : la premiĂšre, câest Ka Anor. Bah alors, il ne dĂ©vore plus les dieux, il a disparu ? Je comprends donc que lâautrice a prĂ©fĂ©rĂ© procĂ©der en deux parties, chacune rĂ©solvant un des deux gros noeuds de lâhistoire. La premiĂšre avec Senna, câest fait, donc je suppose que la deuxiĂšme avec Ka Anor terminera la trilogie.
Ma deuxiĂšme remarque, câest : « casser du nĂ©gro et brĂ»ler les youpins ». HĂ© ho, la trad, ça va, jâvous dĂ©range pas, peut-ĂȘtre ? Putain mais combien de fois va falloir que je rĂ©pĂšte que je ne veux pas voir de propos racistes dans les livres que je lis ?! Encore plus quand câest des livres jeunesse !! Jâen ai marre que personne lise mes funky chronicles. Le monde se porterait tellement mieux si vous les lisiez. En fait, câest pas David le hĂ©ros, câest moi lâhĂ©roĂŻne ! câest juste que personne me calcule. Inconnue en plus dâĂȘtre une artiste incomprise.
Je raconte beaucoup ma vie dans cette chronique, aprĂšs je me plains quâelles soient trop longues⊠pardonnez-moi.
Il Ă©tait donc venu de savoir qui serait le narrateur du dernier tome. Jalil ou April ?
April ! Au dĂ©but, je me disais que câĂ©tait dommage de ne pas avoir la version de Jalil, jâaurais bien voulu avoir son ressenti sur la mort de Senna, elle qui le dĂ©testait tellement, mais câĂ©tait plus logique de se retrouver dans la tĂȘte dâApril pour clore la saga car câest elle qui a tuĂ© la mĂ©chante. Figurez-vous que de tous les personnages, elle a Ă©tĂ© la plus intĂ©ressante Ă (re)dĂ©couvrir, elle qui pourtant Ă©tait effacĂ©e tout le long de leurs aventures. Le fait dâavoir tuĂ© sa demie-sĆur donne une nouvelle envergure Ă son perso. On voit quâelle est en plein changement, elle devient quelquâun dâautre. En fait, April est, dâentre tous, le personnage le plus humain de cette trilo. Elle a pleins dâĂ©motions, pleins de rĂ©actions, pleins de sentiments que toute personne normale aurait Ă sa place. Jâai aimĂ© que lâautrice lui donne plus de caractĂšre et quâon puisse assister au cheminement de sa rĂ©flexion, du âje veux rentrer chez moi et retrouver ma vieâ Ă âet pourquoi pas rester ?â
Dans cet ultime volet, on nâa pas le combat final contre Ka Anor auquel je mâattendais. Jâai bien vu quâil y avait trop peu de pages pour que ce soit le cas. Ă la place, notre petite team de choc cherche plutĂŽt des moyens dâanĂ©antir le dieu extraterrestre en neutralisant dâabord lâarmĂ©e de nazi que Senna a laissĂ© derriĂšre elle et qui serait parfaitement susceptibles de rejoindre Ka Anor avec toutes leurs armes. Quand Senna Ă©tait encore lĂ , je pouvais comprendre quâils Ă©taient intouchables car ils avaient la force de ses pouvoirs magiques avec eux. Mais maintenant quâelle nâest plus, pourquoi seraient-ils encore aussi dangereux ? Yâa quâĂ envoyer Merlin les neutraliser ou encore mieux, un dieu comme Zeus qui nâen ferait quâune bouchĂ©e. Pour des dieux aux pouvoirs illimitĂ©s, ils sont quand mĂȘme assez faiblards. Jâvois pas comment une petite bande de mortels dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©s seraient autant Ă craindre, ça nâa pas de sens mais, je laisse une fois de plus passer. Franchement, jâaime bien ce que je lis, je reconnais les efforts de lâautrice au niveau du rĂ©cit et je nâoublie pas que câest un livre qui sâadressent Ă un public qui a genre treize ans de moins que moi donc moins difficile Ă convaincre.
Et voici pour la derniĂšre chronique dâEverWorld. Jâdois avouer que je pensais dĂšs le dĂ©but de la saga quâils trouveraient un moyen de rentrer chez eux, mĂȘme sans Senna (pas David, hein, bien sĂ»r quâil serait restĂ© celui-lĂ ). JusquâĂ la fin du tome 3, je le pensais encore mais il s’avĂ©rĂąt donc que le voyage Ă©tait sans retour.
Jâai adorĂ© les trois derniĂšres pages de la fin. Pourtant, jâsuis pas trĂšs friande de fins ouvertes, mais lĂ , câĂ©tait assez cool. Yâa encore moyen dâĂ©crire au moins un volume intĂ©grale de plus sur les aventures de notre team de choc quand on voit le champs des possibles que la fin esquisse avec en premier la guerre contre Ka Anor, mais aussi le nouveau monde des nains quâon dĂ©couvre, le lutte pour la main dâEtain, puis le retour des dieux nordiques et des Vikings. Mais câest pas grave, câest tout aussi bien dâimaginer Ă lâinfini leurs aventures.
Je suis super contente dâavoir repris cette vieille sĂ©rie de mon enfance au moins pour une chose. Ă la fin, elle mâa rappelĂ© un truc que jâme disais tout le temps quand jâĂ©tais petite : partir Ă lâaventure ! Quand je vois nos hĂ©ros embrassaient EverWorld Ă la quĂȘte de nouvelles pĂ©ripĂ©ties incroyables, je me suis souvenue de moi qui me plongeais dans mes livres exactement pour cette raison. Jâai toujours Ă©tĂ© âbloquĂ©eâ chez moi, Ă refaire le monde dans mon Ă©ternelle petite chambre. Jâai toujours eu lâĂąme dâune aventuriĂšre mais je nâen ai jamais rien fait. Jâexprimais ce cĂŽtĂ© de moi dans la lecture. Je nâai jamais fait d’activitĂ© extra-scolaire (dâoĂč le fait que je lisais beaucoup, je nâavais rien dâautre Ă faire), je nâai jamais voyagĂ©, je nâai jamais Ă©tĂ© embarquĂ©e dans une expĂ©dition hors du commun, je nâai jamais Ă©tĂ© la gardienne dâun grand secret, je nâai jamais eu beaucoup dâamis (en ai-je mĂȘme eu un jour ?), je nâai jamais criĂ© de toute mes forces en haut dâune montagne puis Ă©couter les Ă©chos de ma voix, je nâai jamais dormi Ă la belle Ă©toile perdue dans lâimmensitĂ© du dĂ©sert, je nâai jamais volĂ© sur le dos dâun dragon â ou d’un bison volant, je nâai jamais explorĂ© de mondes inconnus, je nâai jamais portĂ© de jolies robes de princesses. JâĂ©tais juste une petite fille solitaire dans mon coin. Je lisais des livres comme EverWorld et je me disais que quand je serai grande, je partirai moi aussi pour vivre pleins de choses incroyables. Merci Ă tous ces vieux livres de mon enfance, qui, le temps dâun instant, mâont embarquĂ© pour des aventures extraordinaires.
NB : je signale que jâsuis vraiment quelquâun d’extraordinaire donc jâcomprends pas comment ma vie, encore aujourdâhui, peut ĂȘtre aussi rincĂ©e. Tragique.
Les extraits que j’ai retenus
Le seul endroit intĂ©ressant pour moi, Ă partir de lâĂąge de huit ans, Ă©tait cet Ă©tablissement psychiatrique, oĂč les fous sâasseyaient dans une petite cour extĂ©rieure pour aller fumer et laisser les mĂ©dicaments agir et se battre contre leurs dĂ©mons intĂ©rieurs. Je ne me suis jamais considĂ©rĂ©e comme l’une des leurs, mais je me suis toujours demandĂ© sâils nâentrevoyaient pas ce que jâĂ©tais la seule Ă distinguer clairement.
Jâaimais les fous. Jâavais Ă©tĂ© attirĂ©e par la folie de Jalil.
Mais cette affection ancienne que jâavais Ă©prouvĂ©e pour lui ne m’empĂȘcherait pas de lui faire du mal maintenant.
JâĂ©tais devant chez lui, dans une rue sombre. Et la chose ou la personne qui mâempĂȘchait de lâatteindre Ă Everworld ne pourrait rien pour lui ici.
â Mon nom est Senna Wales, ai-je rĂ©pondu.
Puis, pour lui faire abandonner cette expression de pitiĂ© suffisante de sa petite figure, jâai ajoutĂ© :
â Câest ainsi que mon pĂšre mâa appelĂ©e.
â OĂč est ton pĂšre ?
â Câest lui, en bas.
Son regard sâest assombri.
â Câest mon pĂšre.
â Plus maintenant, ai-je ajoutĂ©. Maintenant, câest le mien. Tu peux garder lâautre, ta mĂšre.
Ă cet instant, des cris sont montĂ©s du rez-de-chaussĂ©e. Une forte voix de femme, aiguĂ«, qui couvrait presque entiĂšrement une voix dâhomme plus grave, plus retenue.
â Tu peux toujours continuer Ă dire que câest ton pĂšre, ai-je proposĂ© Ă April, mais toi et moi, nous savons bien que c’est faux.
AprÚs toutes ces années, ce souvenir me donne toujours des frissons.
Je devais dĂ©jĂ ĂȘtre une petite fille trĂšs intelligente Ă lâĂ©poque. Ou, tout au moins, avec un bon instinct.
Je n’avais eu le choix qu’entre deux solutions : essayer de mâintĂ©grer, de mâassimiler, de me fondre dans la famille, d’ĂȘtre une bonne petite fille Ă la maison comme Ă lâĂ©cole, et je n’aurais jamais Ă©tĂ© satisfaite de cette situation. Ou bien je pouvais les dominer en ne les mettant jamais Ă lâaise, en les manipulant, en les surprenant, en les dĂ©rangeant.
Je pouvais devenir une fausse membre de leur joyeuse famille, m’inventer une vie comme je l’entendais et mener mon existence sans qu’ils ne puissent rien contrĂŽler.
Ils ne mâaimeraient jamais, personne ne le ferait, ma propre mĂšre mâavait abandonnĂ©e. Ma propre mĂšre nâavait pas⊠Bien, enfin, le mieux Ă©tait encore quâils aient tous peur de moi.
Je me suis concentrĂ©e sur moi-mĂȘme, je me suis fondue en moi-mĂȘme. J’ai attirĂ© mon corps Ă mon esprit, mon esprit Ă mon corps, je me suis recomposĂ©e.
J’ai ouvert le passage.
En un Ă©clair, en un instant il sâest ouvert. JâĂ©tais la voie. J’Ă©tais ce tunnel entre les deux univers, mon corps Ă©tait creux, mon esprit pouvait sentir et voir les deux univers simultanĂ©ment, et bien dâautres mondes qui les cĂŽtoyaient.
Lâextase ! Une montĂ©e incroyable, indicible de bien-ĂȘtre. Comme un droguĂ© sentant la drogue se rĂ©pandre dans son sang, un alcoolique avalant sa premiĂšre gorgĂ©e dâalcool. Oh, j’aurais voulu crier, perdre le contrĂŽle de moi-mĂȘme pour laisser aller le plaisir. CâĂ©tait mon corps, câĂ©tait mon esprit, câĂ©tait le sexe, lâargent, le pouvoir, la revanche, le triomphe, tout ça rĂ©uni.
â Parce que⊠parce que, dâaprĂšs vous, nous sommes des prophĂštes ? a demandĂ© April, un peu gĂȘnĂ©e.
â Bien sĂ»r ! a rĂ©pondu Etain en souriant. Que pourriez-vous ĂȘtre dâautre ? Vous venez dâun autre monde. Vous nous avez rĂ©vĂ©lĂ© mille choses. Vous avez apportĂ© Ă Everworld savoir et lumiĂšre. Vous ĂȘtes si admirĂ©s ici-bas que votre rĂ©putation a dĂ©passĂ© la rĂ©alitĂ©.
Son raisonnement se tenait. Cependant, sa derniĂšre phrase m’a mis la puce Ă lâoreille.
â Comment ça ? Notre rĂ©putation a dĂ©passĂ© la rĂ©alitĂ© ?
Etain a eu son petit rire-qui-fait-sourire.
â Eh bien, on vous dĂ©crit comme des ĂȘtres de lĂ©gende, ni elfes ni dieux, Ă peine humains, nâappartenant Ă aucune race connue, immensĂ©ment grands, parĂ©s dâor et dâargent, couverts de diamants et de rubis, marchant sur les nues entourĂ©s dâune lĂ©gion de dragonsâŠ
â Cela nâa rien dâexagĂ©rĂ©, ai-je fanfaronnĂ©. Vous avez en effet dĂ©crit une de nos apparences. Mais nous aimons aussi passer incognito. C’est merveilleux d’ĂȘtre simple, par momentsâŠ
Flop. Ma vanne est tombĂ©e Ă lâeau.
â Et alors ? Tu crois que mon ancienne vie me manquerait tant que ça ? Qu’est-ce que je laisserais derriĂšre moi, hein ? Des parents ivrognes, un frangin que je dĂ©teste et un avenir tout tracĂ©. Un boulot sans intĂ©rĂȘt, un mariage ratĂ©, des gosses qui sombrent dans la drogue, un dĂ©but de calvitie Ă quarante ans, lâinfarctus Ă cinquante et le cancer de la prostate Ă soixante. Le scĂ©nario classique de l’AmĂ©ricain moyen. Et le pire, câest que ça mâaurait plu. Je suis un gars simple Ă la vie simple, April. Je me serais contenter de mener une existence pĂ©pĂšre, avec ses petits soucis et ses petites joies. Tu te souviens comme on sâest fichus de David, moi le premier, quand il critiquait le monde des adultes ? Eh bien, je ne suis pas comme lui, je n’ai pas lâĂąme dâun hĂ©ros, mais je sais seulement que cette vie-lĂ ne me tente plus, voilĂ tout.
Il y a un proverbe qui dit : « Aucun homme nâest une Ăźle ». Aucun de nous n’est vĂ©ritablement seul. Nous sommes en relation les uns avec les autres, que nous vivions en temps de guerre ou de paix. Cependant, je pense qu’aux grands moments de lâexistence, lors de transitions ou d’Ă©vĂ©nements cruciaux, il y a un dicton encore plus vrai : « On vit et on meurt seul ». On prend soi-mĂȘme â tout seul â la dĂ©cision d’avancer ou de reculer, dâentrer dans la vie ou dâen sortir.