L’Alchimiste, Paulo Coelho
Présentation
Santiago, un jeune berger andalou, part à la recherche d’un trésor enfoui au pied des Pyramides.
Lorsqu’il rencontre l’Alchimiste dans le désert, celui-ci lui apprend à écouter son coeur, à lire les signes du destin et, par-dessus tout, à aller au bout de son rêve.
Merveilleux conte philosophique destiné à l’enfant qui sommeille en chaque être, ce livre a déjà marqué une génération de lecteurs.
10/20
Chronicle
Au détour d’une étagère à la Croix Rouge, je tombe sur ce petit livre à la couverture violette. Une lecture courte comme il m’en fallait, alors je l’embarque aux côtés de L’Écume des Jours en me disant que j’allais passer un super moment avec dans l’avion. Qui ne connaît pas ce titre ? Je n’avais jamais eu l’occasion de le lire alors le moment était parfait.
Pas aussi parfait que ça, car malgré moi, je me retrouve à vivre un tout pleins d’aventures qui m’empêchent pendant une année entière de lire quelque bouquin que ce soit ! Je le déniche en avril 2024, je le commence et le finis en avril 2025 et je fais ma petite chronique en août, quatre mois plus tard, pour ne pas changer les habitudes. Et cette fois-ci, je n’étais pas dans un taxi pour New Delhi quand je l’ai terminé mais dans mon avion qui quittait les Philippines, un des plus beaux voyages de ma vie si vous voulez savoir ! J’espère vraiment que je n’aurais pas trop la flemme d’écrire un article dessus, il faut que je fige à l’écrit mes merveilleux souvenirs de ce voyage exceptionnel. Dommage que je ne puisse pas en dire autant de cette lecture. J’en avais beaucoup entendu parler, c’est poétique, c’est philosophique. Très bien, je me jette tête la première dans ce cas. Il en a fallu de peu que je ne me prenne pas le récif en plein dans la poire 🍐
Je commence donc la lecture sans aucun a priori. J’avais juste hâte de voir où est-ce que nous irions au fil des pages. J’apprécie le contexte que donne l’auteur sur la naissance de ce célèbre roman. J’apprécie encore plus la préface et l’histoire de la Vierge Marie et son enfant. Je n’avais pas pensé que L’Alchimiste revêtait un caractère religieux avec la symbolique du berger et son troupeau. J’étais curieuse de découvrir l’épopée du jeune homme dont le nom était déjà oublié.
On fait donc vite sa connaissance et quasiment instantanément, je me questionne sur le temps du livre. À quelle période se passe l’histoire ? Au début, je croyais que c’était dans un temps lointain du nôtre qui ne s’inscrit dans aucune période spécifique puis ensuite, le contexte me semble plutôt contemporain. Comme il voyage au Maroc, j’imagine que ça se passe après la colonisation donc deuxième moitié du 20ème siècle. En fait, le temps on s’en fout, je pense que l’auteur se voulait plutôt intemporel mais c’est pas réussi car si ça l’était, la question ne viendrait jamais au lecteur. Puis, j’ai eu l’impression que le jeune homme était en décalage avec son temps comme s’il vivait dans un monde qui était un peu plus avancé que lui. J’dirais pas que je l’ai trouvé simplet au premier abord mais il ne m’a pas fait l’effet d’une lumière. Pire encore est la fille “mauresque“ du village sur laquelle il a le béguin et qu’il lui répond, tout sotte qu’elle est : « – Mais alors, si vous savez lire, pourquoi n’êtes-vous donc qu’un berger ? » Bah tiens, sympa le mépris de classe. En voilà des personnages très intéressants. Quoique, ils feraient bien la paire tous les deux quand je lis ses pensées à lui une dizaine de pages plus loin : « Cette vieille bonne femme devait vraiment être une gitane. Les gitans sont bêtes. » Quel charmant jeune homme.
Et puis quelques pages encore et c’est à notre tour à nous, les « Arabes », d’apparaître dans le texte. Ahhh si j’avais su que le terme « Arabe » reviendrait environ quatre milliards de fois après ça ! « Il avait l’air d’un Arabe, ce qui n’était pas si extraordinaire dans la région. » Alors pourquoi parait-il si surpris de voir un de mes congénères dans le coin ? Et c’est quoi un Arabe ? Je sais bien qu’il parle des gens du Maghreb et non pas des arabes d’Arabie (l’auteur ferait-il même la différence ?) La manière dont cela est dit ne me plaît pas, on peut sentir tous ses préjugés à travers le texte. Puis, il peut pas juste dire qu’il a rencontré quelqu’un ? Il n’est pas nécéssaire de racialiser – et d’une manière négative – chaque basané qui passerait par là.
Puis quelques pages encore (décidément, je m’arrête toutes les cinq pages) et je tombe sur : « Il amenait les Maures, sans doute, mais il apportait aussi l’odeur du désert et des femmes voilées. » L’odeur des femmes voilées ? C’est quoi d’être une femme voilées dans ce monde et de vivre en rent free dans le cerveau de ces obsédés ? Putain de meeeeerde, j’avoue que je ne m’attendais pas à une lecture d’inspiration orientaliste. Je savais à ce moment là, et on n’en était qu’au début, que j’aurais beaucoup de mal avec la suite. Je suis une femme maghrébine, donc je ne suis pas le public à qui est destiné les merdasses orientalistes. Je préfère m’éviter la peine de lire des bouquins dont les gens de ma race en sont l’objet fantasmé. Je continue néanmoins pour une raison : l’auteur est brésilien donc je comprends que son imaginaire sur les arabes n’est pas méchant, c’est celui de tout un chacun. Mais bon, quand on écrit un livre sur ces fameux arabes qui vivent dans le désert avec des dromadaires et des femmes voilées, il aurait pu faire un effort de recherche et de réalisme que nous pondre un truc à la Aladdin et le Roi des Voleurs.
Contrairement au tapis d’Aladdin, ça vole vraiment pas haut ici, hein. C’est tellement désagréable pour moi de lire des choses pareils. Exemple :
« « Quel étrange pays que l’Afrique ! » pensa le jeune homme.
Il était assis dans une sorte de café, identique à d’autres cafés qu’il avait pu voir en parcourant les ruelles étroites de la ville. Des hommes fumaient une pipe géante, qu’ils se passaient de bouche en bouche. En l’espace de quelques heures, il avait vu des hommes qui se promenaient en se tenant par la main, des femmes au visage voilé, des prêtres qui montaient au sommet de hautes tours et se mettaient à chanter, tandis que tout le monde à l’entour s’agenouillait et se frappait la tête contre le sol.
« Pratiques d’infidèles », se dit-il. Lorsqu’il était enfant, il avait l’habitude de voir à l’église, dans son village, une statue de saint Jacques le Majeur sur son cheval blanc, l’épée dégainée, foulant aux pieds des personnages qui ressemblaient à ces gens. Il se sentait mal à l’aise et terriblement seul. Les infidèles avaient un regard sinistre. »
Y’a tellement de choses à dire sur ce passage mais j’peux pas m’attarder au risque d’écrire une chronique plus longue que le livre lui-même. Je ne vais pas commenter l’emploi du « infidèles » retourné contre ces sales musulmans ni même le sale « regard sinistre » de ces sales arabes qui vaquent tranquillement à leurs affaires pendant que lui se fait des scénarios où il foulerait « aux pieds des personnages qui ressemblaient à ces gens » alors même qu’ils l’ont accueilli chaleureusement dans leur pays. J’ai qu’une seule remarque à faire sur le « frappait la tête contre le sol », formule utilisée plusieurs fois dans le texte. Il ne peut pas juste dire “prier“, c’t’enculé ? Mais comment l’auteur parle de nous ? Pour qui il se prend ce vieux con ? Roman ou pas roman, développement de personnage qui passe d’un raciste à un “homme tolérant“ ou pas, j’accepte pas qu’on parle de ma oumma de cette façon.
Comme je me suis arrêtée toutes les cinq pages au cours de ma lecture, il vaut mieux que je continue en citant mes points d’arrêts et en les commentant sinon j’en ai encore jusqu’à demain alors c’est parti.
« Il en voulait à ton argent, dit-il. Tanger, ce n’est pas comme le reste de l’Afrique. Ici, nous sommes dans un port, et les ports sont tous des repaires de voleurs. »
Aucun Marocain dans aucun univers concevable ne dirait ça car les Maghrébins ont tendance à dissocier leur pays du reste de l’Afrique. On ne dirait même pas que Tanger n’est pas comme le reste du Maghreb. Plus réaliste serait de dire que Tanger n’est pas comme le reste du Maroc. Comment écrit-on un livre sans se renseigner un minimum sur ces « Arabes » que l’auteur se plaît à rabâcher toutes les quatre lignes ?
- J’en suis qu’à une cinquantaine de pages et je crois que j’ai déjà lu la mention de « femmes voilées » au moins trois milles fois ! Je sais qu’elles font partie du décor (que le décor, hein, c’est que des femmes), mais tout de même, c’est une obsession !! Que l’auteur fasse la queue, il n’est pas le premier !
- Arabes, Arabe, Arabes, Arabe, Arabes… Oh, c’est insupportable. Le narrateur ne peut pas juste dire les Marocains ? L’Anglais, il l’appelle bien l’Anglais, pas le blanc. Il ont de la chance les non-arabes, ils ont droit d’être des hommes. Les arabes, eux, n’ont le droit que d’être des arabes, et dans la bouche du narrateur, c’est visiblement pas flatteur.
« « Vous avez de la chance, vous deux, dit ce gros Arabe. Une caravane se met en route cet après-midi pour Fayoum.
— Mais moi, c’est en Égypte que je vais, dit le jeune garçon.
— Fayoum est en Égypte, dit le gros bonhomme. Tu m’as l’air d’un drôle d’Arabe, toi ! »
Le garçon dit qu’il était espagnol. L’Anglais en fut heureux : même habillé en Arabe, du moins était-ce un Européen. »
Ouf, il était moins une, l’Anglais a failli le prendre pour un sale arabe ! J’imagine pas l’étonnement de l’auteur si on lui apprenait qu’on pouvait être et arabe ET européen, le pauvre ne s’en remettrait sans doute pas. Je veux surtout revenir sur le « Tu m’as l’air d’un drôle d’Arabe, toi ! » : quel arabe dirait ça d’un autre arabe ? Quel est le problème de l’auteur quand il insiste autant sur le terme d’arabe, terme qui n’est même pas pertinent pour désigner les Marocains ? Les arabes ne se racialisent pas entre eux comme l’auteur le fait. Il semblerait que pour lui, les arabes n’existent pas en dehors de leur race.
Et trois pages plus tard, on a le droit à un “Mon ami connaît un Arabe qui etc.“ Tu ne peux pas juste dire que ton ami connaît quelqu’un ?
- Encore une trentaine de pages plus tard, je lis en l’espace de trois lignes :
« Puis il ressortit en compagnie d’un Arabe, jeune, habillé de blanc et d’or. Le jeune homme lui raconta ce qu’il avait vu. L’Arabe lui demanda d’attendre un peu et rentra.
La nuit tomba. Des Arabes, des marchands, entrèrent et sortirent en grand nombre. »
À ce point-là, c’est une maladie. Remarquez que seulement les hommes sont des arabes. Il n’appelle pas Fatima l’arabe. Ils sont les seuls qu’il refuse de désigner par “hommes“. Arabe est neutre mais la façon dont le terme est constamment utilisé le rend péjoratif et je déteste l’auteur pour ça, d’avoir repris des procédés issus du temps des colonies pour rabaisser le colonisé. Les arabes sont de fiers arabes, mais ça, ni l’auteur, ni ses personnages ne pourront jamais le saisir.
- En parlant de Fatima, on arrive à un moment où il est dit que son trésor à elle, c’est l’homme. Pourtant le trésor de l’homme, ce n’est pas la femme en question. Mon cher monsieur, les femmes arabes n’ont pas besoin d’hommes pour exister. Les femmes aussi mènent des quêtes incroyables à travers le monde, ont de l’ambition et des rêves pleins la tête. Visiblement, on doit encore le rappeler pour peu que quelques pauvres types pensent que le seul rêve des femmes est de trouver un mari.
- Bien évidemment, qui dit arabe, dit islam, on n’y échappe pas ici. Encore une fois, comment peut-on écrire un livre sur un peuple sur lequel on ne se renseigne même pas un minimum ? En témoigne cette phrase ubuesque :
« Oublie le futur et vis chaque jour de ta vie selon les enseignements de la Loi, et en te fiant à la sollicitude de Dieu à l’égard de Ses enfants. »
Ses enfants ? Ça, c’est ce qu’on appelle une énormité. Les musulmans ne sont pas les enfants de dieu. PERSONNE ne dirait une chose pareille au Maroc. Je suis frappée par la méconnaissance totale de l’auteur sur son sujet, c’est quand même grave, il ne sait rien de rien sur ces fameux “arabes“.
Si ce n’était que de l’ignorance, ça passerait encore mais quand je tombe sur ce passage :
« L’Alchimiste ouvrit une bouteille et versa un liquide rouge dans le verre de son invité. C’était du vin, et l’un des meilleurs qu’il eût jamais bus de son existence. Mais le vin était interdit par la loi.
« Le mal, dit l’Alchimiste, ce n’est pas ce qui entre dans la bouche de l’homme. Le mal est dans ce qui en sort. » »
Tous les “arabes“ sont musulmans dans le livre mais l’auteur fait quand même boire l’Alchimiste afin de montrer que finalement, dans toute son hypocrisie, l’arabe s’en torche bien des lois de dieu. Il le fait même blasphémer avec cette dernière phrase de l’Alchimiste où ce dernier se permet de redéfinir la loi à sa convenance. Personne dans le Sahara se promène avec une bouteille de pinard au fond de sa sacoche. C’est drôle car juste avant de lire ça je me faisais la remarque qu’au moins le livre restait respectueux de ma religion. Bah voilà, fallait bien s’en moquer au moins une fois, j’imagine, c’est la règle en orientalisme.
- Y’a au moins un passage sur l’Islam dans lequel l’auteur n’a pas tort (page 155 mais c’est trop long pour que que je le retranscrive ici) : nous croyons sans voir car nous avons la foi. Ce ne sont pas les yeux qui s’aveuglent, ce sont les cœurs dans les poitrines qui s’aveuglent (22:46). Le coeur viendrait-il de l’Âme du Monde ? Sans doute bien que oui.
- Ce passage était donc l’unique dans tout le livre qui est correct vis à vis de l’Islam. On repart vite sur du n’importe quoi vingt pages plus loin :
« — Je veux voir la grandeur d’Allah, dit le chef, avec du respect dans la voix. Je veux voir la transformation d’un homme en vent. »
La grandeur d’Allah ne réside pas dans un mécréant qui s’improvise apprenti sorcier. Je sais bien que c’est une manière de romancer l’histoire mais pourquoi mettre dieu dans tout ce foutoir ? C’est pas parce qu’on parle d’arabes qu’on doit nous sortir des Allah partout dans un contexte qui de plus n’a rien d’islamique. La religion se respecte et moi je ne blague pas avec. Du reste, il ne suffit que d’ouvrir les yeux sur le monde pour Sa grandeur n’importe où. Mais les yeux sont aveugles…
- Toutefois, tout de suite après ce passage, j’ai apprécié la démonstration sur ce qu’est l’amour. Qu’est-ce que l’amour ? “C’est un fleuve qui coule en Russie“. L’auteur dit que l’amour, c’est s’améliorer. Moi, je dirais que l’amour, c’est faire mieux. Je suis d’accord pour dire que l’amour, c’est faire plus, mais est-ce que plus est toujours positif ?
- Et la fin de ce chapitre, très attendue, s’annonce ainsi :
voir le spoil
« Et le jeune homme se plongea dans l’Âme du Monde, et vit que l’Âme du monde faisait partie de l’Âme de Dieu, et vit que l’Âme de Dieu était sa propre âme. »Tout ça pour ça ? C’est très bateau, rien de bien original là-dedans. J’avais apprécié le développement de l’auteur jusque là mais le propos final est médiocre. C’est pour cette raison qu’il fallait se renseigner un minimum sur la religion et notamment l’Islam pour ne pas finir sur une banalité comme tout le monde sortirait. Elle est là l’âme du monde. Du reste, on ne peut pas avancer que dieu a une âme car il est n’est rien qu’on puisse imaginer.
Voilà tout. Alors, qu’en est-il ? J’aime la fin, elle est poétique et joliment écrite. Elle est mélancolique. J’aime le fait que le trésor soit un vrai trésor. Jaime le fait que la boucle se boucle en revenant au point de départ. J’aime le parcours initiatique, les rencontres qui font mûrir le personnage, le transforme en un nouvel homme. J’aime le fait que tout au long on croit en la main d’un dieu transcendant qui écrit précautionneusement nos destinées, le mektoub. Maintenant, je recommanderais à l’auteur (oui, je me permets et j’me gêne pas) de faire plus de recherches sur les arabes arabes arabes. Ça m’a gâché la lecture, c’est un 10/20 assez gentil que j’ai donné là.
Est-ce bien un conte philosophique ? C’est le cas, attention tout de même à ne pas verser dans le développement personnel.
NB : Quand je pense que j’ai écrit cette chronicle en août mais que je ne la publie que maintenant, en octobre ! Je n’ai pas eu le temps de finaliser mon texte car j’ai eu pleins de soucis qui me sont tombés dessus cet été puis j’ai enchaîné avec un voyage de dernière minute, je suis rentrée la semaine dernière (juste waouuuh, je veux absolument en faire un article (j’ai une quinzaine d’articles de voyages en brouillon et je repars pour des nouvelles aventures dans trois semaines, j’arriverais jamais à les publier un jour, je désespère 🥲)). Je suis toujours en retard sur les publications de mon blog, ça me tue.
Les extraits que j’ai choisis

« Les gens apprennent très tôt leur raison de vivre, dit le vieillard avec, dans les yeux, une certaine amertume. C’est peut-être pour cette raison même qu’ils renoncent aussi très tôt. Mais, ainsi va le monde. »

« Je suis vivant, dit-il au jeune homme, tout en mangeant une poignée de dattes, dans la nuit sans lune et sans feux de camp. Et pendant que je mange, je ne fais rien d’autre que manger. Quand je marcherai, je marcherai, c’est tout. Et s’il faut un jour me battre, n’importe quel jour en vaut un autre pour mourir. Parce que je ne vis ni dans mon passé ni dans mon avenir. Je n’ai que le présent, et c’est lui seul qui m’intéresse. Si tu peux demeurer toujours dans le présent, alors tu seras un homme heureux. Tu comprendras que dans le désert il y a de la vie, que le ciel a des étoiles, et que les guerriers se battent parce que c’est là quelque chose d’inhérent à la vie humaine. La vie alors sera une fête, un grand festival, parce qu’elle est toujours le moment que nous sommes en train de vivre, et cela seulement. »

« Je reviendrai, dit encore le jeune homme.
— Avant, il y avait du désir en moi quand je regardais le désert. Maintenant, ce sera de l’espoir. Mon père est parti un jour, il est ensuite revenu vers ma mère, et il revient encore à chaque fois. »
Ils ne dirent plus rien. Ils marchèrent un peu dans la palmeraie et le jeune homme la reconduisit à l’entrée de sa tente.
« Je reviendrai comme ton père est revenu vers ta mère », lui dit-il.
Il s’aperçut que les yeux de Fatima étaient pleins de larmes.
« Tu pleures ?
— Je suis une femme du désert, répondit-elle, cachant son visage. Mais, avant tout, je suis une femme. »

— Si ce que tu as trouvé est fait de matière pure, cela ne pourrira jamais. Et tu pourras y revenir un jour. Si ce n’est qu’un instant de lumière, comme l’explosion d’une étoile, alors tu ne retrouveras rien à ton retour. Mais tu auras vu une explosion de lumière. Et cela seul aura déjà valu la peine d’être vécu.

« Le vent m’a dit que tu connaissais l’Amour, dit le jeune homme au Soleil. Si tu connais l’Amour, tu connais aussi l’Âme du Monde, qui est faite d’Amour.
— D’où je suis, répondit le Soleil, je peux voir l’Âme du Monde. Elle est en communication avec mon âme et, à nous deux, nous faisons ensemble croître les plantes et avancer les brebis qui recherchent l’ombre. D’où je suis (et je suis très loin du monde), j’ai appris à aimer. Je sais que, si je m’approche un peu plus de la Terre, tout ce qu’elle porte périra et l’Âme du Monde cessera d’exister. Alors, nous nous regardons mutuellement et nous nous aimons ; je lui donne vie et chaleur, elle me donne une raison de vivre.
