L’Épopée Fantastique

EverWorld, tome 2, K. A. Applegate
tome 1
tome 3

Présentation

Il existe un monde que personne ne connaît, que personne n’imagine. Bienvenue à EverWorld, le pays d’où l’on ne revient pas…

David et ses amis pensaient avoir vécu le pire, mais à Everworld, le pire est toujours à venir… Après avoir sauvé Senna, que toutes les puissances maléfiques se disputent, les voici maintenant entraînés dans une guerre sanglante aux côtés de la déesse Athéna. Leur mission : libérer l’Olympe assiégé par Ka Anor. Le sort d’Everworld est entre leurs mains. S’ils échouent, le « dévoreur de dieux » régnera en maître. Le cauchemar ne s’arrêtera-t-il donc jamais ?

9/20

Chronicle

Pas fameux ce livre II hein, j’ai vraiment galéré à le finir. J’essayais d’en lire un tout petit peu tous les jours mais avec plus de 600 pages, j’ai bien évidemment mis plus de temps que prévu. Et devinez qui est encore complètement à la ramasse sur ces reading playlist de cette année ? En général, même si je ne gère pas mes playlists, je fais toujours en sorte de finir les sagas commencés dans l’année pour pouvoir repartir sur de nouvelles l’année d’après – mon côté maniaco-obsessionnel. Manifestement, je n’en terminerai aucune en 2022. Pour EverWorld, j’ai quand même l’excuse très valable qui est que les médiathèques de chez moi ont retiré la trilo de l’emprunt pendant des mois pour cause de travaux. Le dernier livre n’est d’ailleurs toujours pas disponible.

Bon, alors, je suis trop déçue. J’étais contente de retrouver notre petite troupe à EverWorld puis quand j’ai commencé ma lecture, je me suis très très vite rendue compte que ça n’allait pas être la folie. C’était dans le même style que le premier bouquin mais sans la nouveauté. Quoiqu’on découvre à chaque fois des mondes inédits dans ce quatre en un qui nous est offert donc, ça force à vouloir en savoir plus mais c’est plat, en fait. Puis, faut dire que je suis déçue tout simplement parce que j’avais dit précédemment que j’attendais d’en apprendre plus sur Senna et ça n’a pas du tout été le cas, elle est limite effacée dans cette suite ; aussi en apprendre plus sur le fameux dévoreur de dieux mais franchement, c’était pas fameux.

En fait, j’ai l’impression que l’autrice ne sait plus trop où elle va. Je comprends le fait d’inventer toujours un nouvel arc d’EverWorld à chaque tome pour garder un rythme entraînant et créer une véritable fresque de cet univers fantastique (un poil loufoque mais ça fait partie du truc). Le fil directeur est toujours présent au fil de leurs aventures successives mais on se perdrait quand même un peu dans tout ça. Et, d’entre tout, bah ça devient chiant, hein. Ce n’est pas mauvais mais franchement, on s’ennuie. Par exemple, je m’attendais à une pure quête type fantasy tout ce qui a de plus standard pour le tome 1 avec les héros qui se mettent à la recherche des trésors de Nidhoggr le dragon. Le scénario s’y prêtaient bien et vous connaissez mon faible pour ce genre d’aventure. Eh bien, assez déçue de la tournure des événements. Les héros ne cherchent même pas les trésors mais essayent de réfléchir à d’autres solutions beaucoup moins épiques pour sauver leurs fesses. C’était loin d’être exaltant, plutôt ennuyeux même. J’attendais alors de découvrir quelle serait l’épopée fantastique du tome 2. 

Mais avant de passer au reste, faut aussi aborder le deuxième gros point qui dégrade le niveau de lecture : les personnages. Je disais déjà dans le premier volume que c’était un peu relou de forcer sur les traits des perso mais soit, ça passait encore parce que ce n’était que le début. Là, s’en est un peu trop. L’autrice a abattu toutes les cartes de chacun d’entre eux. On n’a plus rien à découvrir d’eux, on sait déjà tout. David est l’ultime caricature du héros mais c’est fait exprès. L’autrice insiste énormément pour le construire de cette façon, ce n’est pas un vice caché le concernant, au contraire. Même ses acolytes insistent sur le besoin maladif de David d’être le héros. J’avoue que je ne comprends pas trop quel est le but de cette démarche. On le découvrira peut-être à la fin, on peut imaginer qu’il y aura une révélation ou un truc du genre à propos de Senna qui va changer David pour toujours. En attendant, il est sans surprise quelque fois agaçant. L’épisode où il devait faire le guet mais s’endort sans faire exprès et qu’il s’afflige car il aurait pu tous les mettre en danger donne un aperçu du degré de chiantise du mec.
Il y a encore pire que David : Christopher. La premier personnage qu’on remarque en ouvrant le livre, c’est lui (eh oui, désolé David, même avec ton syndrome du personnage principal, tu n’arrives pas à faire de l’ombre à ton joyeux copain) ! Non mais la lourdeur du gars à chaque fois qu’il ouvre sa bouche, mais qui a foutu ça là ? Dites-vous toutefois que le personnage le plus intéressant et qu’on va voir le plus évoluer dans cet univers c’est lui, je développerai plus bas.
On pourrait croire qu’on a une chance incroyable d’avoir Jalil pour contrebalancer de son esprit rationnel et scientifique les bêtises de ses camarades. Eh bien dans le premier tome, en tout cas, oui. J’ai bien aimé qu’il soit le seul à voir clair dans les jeux de manipulation de la bizarre Senna. On ne voit justement pas les manipulations de cette dernière dans les yeux de David et c’était bienvenue d’avoir une deuxième lecture de la même scène lorsque Jalil a partagé son point de vue. Ça donne une autre perspective d’EverWorld. Cela étant dit, jusqu’à ce qu’on arrive au dernier tome où il devient le narrateur, Jalil est peu présent.
On ne peut toutefois pas faire plus inexistant qu’April. C’est limite si je me souviens encore d’avoir lu le troisième tome où elle est la narratrice. Elle est tellement effacée, je suppose que c’est parce que c’est une fille mais, bon, tout de même ! La seule chose qui m’a marqué dans son passage, c’est quand elle s’interroge sur Dieu. Curieusement, c’est son personnage à elle qui soulève le point le plus intéressant de toute cette aventure, de l’existence même d’EverWorld. Ses réflexions métaphysiques nous mènent à la limite du gros non sens de cette série : les dieux d’EverWorld sont des faux dieux. Il n’y a qu’un seul Dieu, « un vrai dieu », celui du vrai monde, notre monde. Je trouve que c’est très risqué de la part de l’autrice d’évoquer (même furtivement) le vrai Dieu des religions monothéistes face aux faux dieux païens et mythologiques. Je vois qu’elle n’a pas peur d’effriter l’illusion qu’elle créé avec Everworld et franchement, chapeau. J’aime son audace. En découle alors une autre encore plus pertinente : est-ce que les deux univers sont perméables ? Ça, pour le coup, ça m’intéresse. Je me suis demandé si lorsqu’ils sont éveillés à EverWorld, leur eux du monde normal avaient conscience que leurs eux d’EverWorld n’étaient pas là et donc s’ils avaient conscience de leurs existences dans un monde parallèle. La conversation qui vient un peu plus tard entre Jalil et David où ils évoquent la possibilité qu’un monde peut avoir une influence sur l’autre est une bonne réflexion qui serait pas mal de développer pour la suite.

Certes, ce tome est pleins de réflexions surprenantes. Tout d’abord, j’ai été assez étonnée de l’insistance des passages sur l’homosexualité et l’homophobie passive notamment de Christopher. C’était bizarre. J’ai pas compris ce que ça foutait là. Ça me paraissait vraiment out de montrer que Christopher n’était pas serein d’être à côté de Ganymède car il est gay (ou métrosexuel, que sais-je ?) dans une grosse série de fantastique jeunesse. En fait, c’était très terre à terre d’un coup. L’autrice introduit donc une petite réflexion très rapide sur l’homosexualité, ensuite elle évoque le vrai dieu face aux faux dieux en prenant le risque de casser le monde qu’elle a crée. Décidément, elle n’a pas froid au yeux. C’est comme avec Jalil et le racisme dans le premier livre. L’autrice sort des sentiers battus, j’dois dire que j’aime bien. Les romans de fantastique et fantasy ont toujours tendance à totalement dissocier la réalité du monde dans lequel on vit de ceux imaginaires qu’ils conçoivent. C’est pas anodin de voir ces sujets apparaître dans des livres jeunesse. Peut-être qu’il y a vingt ans, les auteurs étaient moins frileux caaaaaaar, autant j’ai été étonnée pour l’homosexualité, autant j’suis restée un peu perplexe sur la partie groupe nazi, autant j’ai carrément fait les gros yeux quand j’ai lu le mot “sioniste“.

Je précise que l’autrice ne rentre jamais dans les sujets, tout est abordé de surface mais, wow, on est quand même sur des vrais sujets. Elle est woke la Applegate, hein. Pas si woke que ça en vrai, c’est même un peu le contraire car j’ai trouvé très très très très louche d’associer le nazisme au sionisme (inconsciemment dans la tête des enfants ?) Je ne sais pas ce qu’elle entendait par là. Je ne sais pas quel était le but de cette tournure. Je ne sais pas où elle veut en venir, je ne comprends pas même pourquoi elle fait ça. Tout ce que j’peux dire, c’est que c’est chelou. N’empêche, c’est la première fois que je lis du fantastique jeunesse qui évoque ce genre de choses entre une chevauchée d’oiseaux rouges fantaisistes dans la cité d’un dieu extraterrestre et une beuverie chez les dieux grecs en préparant la guerre contre les ennemis qui assiègent l’Olympe. Vous comprendrez que ça laisse un peu perplexe. 
Dans toute cette perplexité, y’en a au moins un qu’on voit évoluer : Christopher. Alors comme ça, on a un raciste qui se déraciste ?

« — David, tu as un don naturel pour donner des ordres aux subalternes, a remarqué sèchement Jalil.
— Ça te donne envie de l’appeler « missieu Dave », hein, Jalil ? a répliqué Christopher. 
Puis il a rougi.
Nous l’avons fixé, pétrifiés. En partie parce que nous étions choqués par son humour, mais surtout parce que nous l’avions vu rougir. C’était tout nouveau pour nous de voir Christopher gêné.
— Désolé, a-t-il fait avant de se détourner. 
Je ne sais pas s’il était en colère contre nous ou contre lui-même ou bien s’il voulait juste éviter un autre sermon. Mais c’était bizarre. Bizarre de sa part. »

Je vous mets ce passage car j’ai vraiment envie de vous offrir un aperçu du personnage. C’est clair que quand tu as failli te faire embrigader par un groupe nazi, ça remet les choses en perspective. Tant mieux.

Assez parlé des perso, revenons à ce qu’il se passe dans cette lecture. Eh bien pas grand chose. On se rend compte au fil des pages qu’en fait, il n’y a pas vraiment de péripéties, pas de danger qui guette nos héros. Les Hetwan qu’ils sont amenés à affronter plusieurs fois ne font pas peur. On le voit bien lors du siège de l’Olympe, ils sont bêtes et presque inoffensifs, la seul chose qui les rend plus ou moins dangereux sont leur nombre infini. Finalement, le plus dérangeant dans ses ennemis extraterrestres est leur dieu Ka Anor. Quand on l’aperçoit pour la première fois dans sa cité, on est déçu. Ce n’est pas un véritable ennemi qui fait preuve d’intelligence avec un plan en tête, non. C’est un espèce de gros tas informe à qui les Hetwan apporte des notables d’EverWorld à dévorer. J’aurais pensé mieux que ça, honnêtement. Ainsi, on est tout bonnement dans le contraire de ce que devrait être une épopée. C’est bien beau de s’inspirer de croyances et de mythologies pour créer à chaque fois de nouveaux décors fantastiques. Mais si c’est pour nous conter rien de bien exaltant là-dedans, ça perd de l’intérêt. La lecture est monotone, on s’ennuie. 

Cependant, je reconnais que c’était cool de découvrir à chaque tome ces nouveaux décors qui sont très créatifs. Puis, ça fait réviser ! Un petit exemple dans le tome sur l’Olympe où je me suis demandé pourquoi Arès est toujours le plus méchant des dieux. Ça fait quelques années maintenant que j’ai lu Starcrossed mais je me souviens qu’Arès était aussi un dieu un peu pervers et méchant dans cette trilo. Va falloir que je reprenne mes mythes à la racine, moi.

Puis on arrive au tome 4 qui est censé nous conduire en Égypte. Or, ce tome est l’occasion d’une escale en Afrique subsaharienne ce qui semble bien ballot car au sud de la Grèce, y’a la Méditerranée et après la Méditerranée, bah y’a les côtes d’Afrique du Nord. Bon, je laisse passer cette absurdité. Pourquoi pas découvrir une Afrique tout en surprise et en magie. Sauf que, je me retrouve finalement dans un safari tout ce qu’il y a de plus cliché. 

On arrive dans la cambrousse direct avec des lions, des gnous et des mecs en pagne, génial, comme c’est original. Puis on va voir débarquer rapidement un espèce de marabout superstitieux qui va pratiquer quelque vaudou en prenant Jalil comme principale victime. La première chose, c’est que je trouve bien dommage d’avoir dépeint une Afrique aussi caricaturale. L’Olympe était majestueuse, le pays des fées était luxuriant et même la cité de Ka Anor détonnait. Mais ça, pfff, on se croirait dans un documentaire sur la savane, quoi. La deuxième chose qui m’a immédiatement interpellé est de faire du tome sur l’Afrique celui de Jalil, le noir de notre groupe de héros, qui représente à lui seul le quota de basané de la série. Jalil est African American, il y connaît quoi de l’Afrique, au juste ? Le truc, c’est que lui-même le dit dans le livre, ce n’est pas parce qu’il est noir qu’il connaît le territoire dans lequel ils ont atterri ou même le vieille homme marabout à ses heures perdues. J’ai ressenti comme un côté où l’autrice souhaitait lui faire affronter de manière sous-jacente ses “ancêtres africains“. Car l’Afrique, c’est les croyances bizarres, les dieux bizarres et les superstitions bizarres alors que Jalil, c’est la raison, l’intelligence et le bon sens lui venant tout droit de l’Occident. J’ai trouvé qu’on cherchait à rabaisser les cultures africaines tout en sous-jacence. 

En outre, c’est effectivement le cas puisque je remarque progressivement dans ce tome la différence de traitement entre les mythologies occidentales et orientales. Celles occidentales qu’on a pu voir depuis les vikings jusqu’au grecs sont raffinés et judicieuses (d’ailleurs notre team d’ados devient amie avec eux) ; les orientales, ici africaine, sont inhumaines, bestiales, sacrificielles et cruelles. Maintenant que j’y pense, le tome sur les Aztèques était tellement négatifs à leur encontre (d’un autre côté, ils faisaient vraiment des sacrifices humains du haut de leurs pyramides, n’est-ce pas ? Mouais, faudrait que je me renseigne). Bref, je n’ai pas aimé la représentation de l’Afrique qui me semblait très étroite et surtout innomé. Tout le monde a des dieux mais pas les africains qui ont des Orishas dont on n’en sait pas plus et des dieux suprêmes « au-delà de toute intelligence » mais anonymes, sans particularité. Si j’étais à la place de l’autrice, je me serais renseignée sur une mythologie africaine spécifique à exploiter dans sa série et pas juste ça. J’ai aussi remarqué pendant la bataille de notre team avec les Vikings contre les guerriers noirs que les guerriers noirs étaient appelés juste “les Noirs“, et pourquoi pas “les Blancs“ pour les Vikings ? En mode, c’est juste des noirs, quoi. C’est dommage de ne pas en avoir fait des guerriers aussi charismatiques que les Vikings plutôt que de se référer à eux simplement par leur couleur de peau.

De toute façon, je n’ai pas trop compris la fin. Donc

voir le spoil le sacrifice, c’était les Vikings ? Mais ils étaient déjà morts donc ce n’est pas un sacrifice (mais pourquoi notre team n’était pas morte, en fait ?? Ça m’apprendra à rédiger mes critiques trop longtemps après avoir lu le livre car maintenant, je n’en sais rien). Et si c’était un sacrifice, pourquoi ils montent au Walhalla plutôt que d’aller rejoindre les dieux suprêmes ?

Ainsi s’achève donc ce deuxième volume : avec quelques confusions. De manière générale, je n’ai pas aimé, c’était trop long et chiant à lire. Ça ne m’a pas non plus spécialement intéressé même si j’ai apprécié découvrir les nouveaux décors au fil des tomes et enfin, l’Épopée Fantastique est certes fantastique, je dirais même fantasque, mais loin d’être épique. On n’a l’impression qu’il se passe des trucs car les décors s’enchaînent mais en fait, non. Ma plus grande déception reste qu’on apprend quasiment rien sur Senna. J’ai envie de lire la fin ne serait-ce que pour ça.


Les extraits que j’ai retenus

Je crus voir l’ombre d’un sourire passer sur les lèvres de Senna. Mais non, impossible. J’avais dû rêver. Il y avait vraiment des larmes dans ses yeux. Elle était des nôtres malgré tout.
Et pourtant, alors qu’inconsciemment je posai la main sur ma poitrine silencieuse, une petite voix me répétait sans cesse qu’il n’y avait que quatre diamants. Pas cinq.

J’étais là, au milieu de la forêt tachetée de soleil. J’avais les mains ensanglantées à force d’avoir frappé le tronc d’arbre. On n’entendait rien à part un léger bruissement de feuilles. J’étais seul. […]
J’avais l’impression d’être mort. D’ailleurs mon coeur l’était, non ? Mort tout en continuant de faire semblant de vivre et de jouer les héros alors que tout le monde s’en foutait.

Les rires s’évanouissaient comme un écho dans le lointain, comme si je me trouvais à l’extrémité d’un long couloir. La musique n’était plus qu’une légère plainte. Même le vin, rouge et épais, couleur de sang, qui, il y a un instant encore, coulait à flots, se transformait maintenant en un liquide clair comme de l’eau. 
Le verre brillant était encore là, dans ma main. Celui que m’avait donné Ganymède lui-même.
Je voyais de plus en plus Dionysos, et il me voyait aussi. Son regard était dirigé droit sur moi. Un regard qui transperçait tout sur son passage. Un regard incroyablement étrange, qui n’avait rien de commun avec ces yeux voilés, ce visage joyeux, un regard qui appartenait à quelqu’un d’autre, à un autre dieu qui utilisait le visage de Dionysos comme un masque. 
Le vin. Mon vin. Celui que m’avait versé Ganymède.
Le silence. Plus aucun bruit maintenant, même pas le vent dans les arbres, les craquements du chariot, le bruit de pas des Hetwan – bien réels ceux-là – , les sabots des chevaux, l’agitation et les rires hystériques de la fête. 
Un seul bruit. Le bruit des chaînes. Le bruit des chaînes qui retenaient Dionysos comme un chien. 
Dionysos qui s’est mis à parler, sans que sa bouche ne bouge, et j’ai entendu ses mots résonner dans mes veines, dans mon coeur, dans mes muscles et mes os.
— Sauve-moi, a-t-il dit. Sauve-moi, mortel, et je ferai de toi un dieu.

Je suis allé dans le jardin, derrière la maison, où, comme tous les voisins, nous avions des jeux pour enfants. Je me suis allongé sur le toboggan en plastique. C’était plus calme ici. Je pouvais juste me rendre compte si les cris gagnaient ou perdaient en intensité. 
Je voulais aller regarder la télé. C’était tout. Juste regarder cette satanée télé. Un truc drôle et pas prise de tête. 
— C’est nul la vie, ai-je dit aux étoiles.
Et je me suis retrouver à voler, suspendu aux tentacules d’un gros oiseau bleu extraterrestre. Je vous jure que, durant quelques secondes, j’ai été content d’être de retour.

Ça atteint l’April du monde réel presque autant que celle d’Everworld. Peut-être plus. C’est l’April du monde réel que je veux sauver. C’est ma vie. C’est ma vraie vie, et elle est empoisonnée par ces assauts de peur et de fureur. 
Il y a aussi, plus subtile, mais presque aussi destructrice à sa façon, l’attraction qu’exerce Everworld. La beauté. L’excitation permanente. Des émotions si intenses, une telle indépendance, la fierté de s’en sortir par soi-même, d’accomplir des choses impossibles, d’échapper d’un cheveu à la mort. Il y a aussi tout ça dans mes souvenirs. Dans ma vie quotidienne, j’apprends soudain qu’un autre moi a affronté un dragon, défié un dieu, avec force et courage. Cet autre moi est Indiana Jones. 
Je ne suis pas de ceux qui se sentent mal dans leur vie. Moi, je m’y sentais bien. J’étais heureuse. La plupart du temps. J’ai une place dans le monde réel. Une place qui me convient. 
Mais Everworld, c’est plus… plus fort, plus vif, plus doux et plus dur, plus étrange, plus intéressant, plus palpitant, tellement risqué, tellement dangereux… Tellement plus intense !

Devant tant de mauvaises foi, je me suis mis à rire. 
— C’est quand même à cause de toi qu’on est là, Senna, faudrait pas que tu l’oublies ! Sans toi, je pourrais être chez moi en train de mener ma propre vie, peinard. Tu ne veux pas aussi que je me mette à pleurnicher parce que je t’ai un peu compliqué l’existence pour respecter des valeurs aussi négligeables que la tolérance, la liberté et le respect d’autrui ?
— Si j’avais voulu que tu pleurniches, Jalil, tu serais déjà en train de pleurnicher. Mon pouvoir ne cesse de croître, il déborde. Je suis ici chez moi. Mon heure est venu ! s’est-elle écriée joyeusement en embrassant d’un regard satisfait le monde qui l’entourait. 
— Tu as beaucoup d’ennemis, Senna. Et pas un seul ami.
Je l’ai dit parce que je devais le dire. Je pense que je n’étais pas loin de la réalité. Car la Senna sympathique, la Senna avenante du monde réel avait disparu, laissant la place à la jeune femme cruelle qu’elle était jusque-là parvenue à masquer. 
— Tu t’imagines que tu peux me blesser, Jalil. C’est ça qui te plaît, a-t-elle ricané. Tu imagines vraiment que tu peux tout contrôler. Tu te verrais bien nous mettre, moi et Everworld dans ton ordinateur. Tu saisirais ta souris, tu lancerais un logiciel et, en avant ! tu serais le maître des lieux. Tu me détestes parce que, selon toi, je cherche le pouvoir. Mais toi, Jalil, qu’est-ce que tu cherches ? Je vais te le dire : LE POUVOIR ! Toi aussi ! Tu rêves de réguler l’univers en le faisant rentrer coûte que coûte dans le petit pois que tu sert de cerveau !
Elle a désigné David.
— Lui, il veut être brave, simple, lui-même. Il fait tout pour être un héros à mes yeux, et aux yeux d’Athéna, et aux tiens… Mais toi, Jalil, tu veux un pouvoir encore plus grand que celui auquel Zeus, Odin et Amon Râ peuvent prétendre. Ce n’est pas sorcier de savoir pourquoi tu ne crois ni au dieu des chrétiens, ni en aucun autre dieu : tu penses que les hommes ne devraient pas avoir d’autre divinité que toi, ô Jalil !
Oui, c’était sûr : je l’avais blessée. Et elle avait retourné le couteau dans ma plaie.

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