Moi et Finn, Tom Kelly
Présentation
Tout commence le jour où Danny envoie une brique à trois trous dans la fenêtre d’un vieux voisin, ce qui a pour effet d’écrabouiller sa loutre empaillée. Dommage pour le voisin, bien fait pour la loutre… A la suite de quoi, Danny fait plusieurs rencontres, qui vont le pousser à tout quitter, l’école, sa famille, ses amis, hanté par le souvenir de Finn. Ce n’est qu’à la fin du récit que le lecteur découvrira ce qui est arrivé à Finn.
17.5/20
Chronicle
C’est la deuxième fois que je lis ce roman et l’effet qu’il a sur moi est toujours aussi fort.
J’ai retardé toute la journée d’écrire ce que je suis en train d’écrire, là maintenant car, pour le coup, décrire ce que j’ai ressenti, je n’y arrive pas, c’est vraiment difficile. C’est le seul livre jusqu’à présent qui ne me fait non pas couler quelques larmes mais genre SANGLOTER carrément. J’suis à ça de me jeter par la fenêtre.
Bon, here we go. C’est un enfant de 10 ans, Danny, qui a perdu son jumeau, Finn, et qui entreprend un petit voyage jusqu’au bord de la mer (après avoir lancé une brique sur la loutre empaillée du père Grundy) afin de pouvoir faire son deuil.
Il se cherche. C’est conté avec innocence et naïveté ce qui donne un côté tellement plus sincère à toutes ces émotions. Cette vision enfantine où Danny nous parle beaucoup de pipi et de caca est drôle, elle nous fait doucement sourire mais au bout du livre, les cinquante dernières pages notamment, on sent un changement très subtil qui s’opère chez notre héros.
Cette subtilité, très ténue, je crois bien qu’il y a 4-5 ans, quand je l’avais lu pour la première fois, je ne l’avais pas saisie, elle m’est vraiment passée inaperçue.
Or, aujourd’hui, au fil de ma lecture, je me suis rendue compte d’une chose qui m’a fendu le cœur :
voir le spoil
Danny ne fait pas le deuil de son jumeau; il fait le deuil de sa propre personne.Au cinquante dernière pages, j’avais les nerfs à vifs, j’étais complètement à fleur de peau. Je ne sais pas si c’était ce que voulait nous faire ressentir l’auteur mais ces paroles à double sens m’ont conduit à cette triste évidence. Qu’affirme d’ailleurs parfaitement bien la chute de fin qui m’a touché autant que si je l’avais lu la première fois.
Danny, du haut de ses dix ans, m’a donné à réfléchir : qu’est-ce que l’existence enfin de compte ? Est-ce que la perte d’un être aussi chère revient à perdre une part de soi-même ? Est-ce qu’on meure aussi avec eux ? À quoi bon continuer de vivre si ce n’est pour être que l’ombre de soi-même – de quelqu’un d’autre ? Est-ce possible ? En définitif, quel est le sens de la vie ? Comme quoi, rien n’est éternel.
Je n’ai jamais été confrontée à la mort d’un proche. J’ai peur que ça me détruise si ça m’arrive un jour…
Dans tous les cas, je félicite l’auteur pour ce roman, qui, entre humour et tristesse nous donne une belle leçon de vie.
Et à la manière de Danny, je peux dire aujourd’hui que moi aussi je suis passée par là.
Update : J’ai écrit cette petite chronique il y a 10 ans aujourd’hui. Je me rendais pas compte de ce que je disais à cette époque mais je trouve déjà une certaine justesse dans mes mots. J’ai perdu mon père récemment. Maintenant, je sais vraiment ce que ça fait de passer par là.
Les extraits que j’ai choisis

Moi et Finn, on se battait aux épées de pipi parce qu’on s’ennuyait à regarder Angela tranvaser des coquillages de son seau en plastique bleu à un petit château de sable qu’elle venait de construire.
— Tu vois Avion Kev ? Finn m’a demandé.
— Oui, et alors ?
— Eh bien, Avion Kev, c’est un gros château raté qui tremblote comme de la gelée.
On s’est mis à rigoler parce que c’était complètement idiot. Mais en fait on riait d’un truc qu’Avion Kev nous avait dit juste avant les vacances. Bod l’avait forcé à nous demander si nos zizis étaient identiques aussi.
C’est pas con, ça ?
Alors on lui a répondu que non, qu’on était obligés de se partager un seul zizi. Si un de nous avait envie de faire pipi, même très envie, il fallait qu’il attende son tour.
Le pire, c’est qu’il y croyait presque. C’est ça qui nous faisait rigoler.
Ensuite on n’a plus parlé, parce que j’ai fait pipi sur le pied de Finn et Finn a fait pipi sur le mien.
Ensuite on a fait pipi l’un sur l’autre, mais pas longtemps, parce qu’on n’avait plus de pipi.
Ensuite Finn a dit :
— Amène-toi. On va l’aider.
Il est parti en courant avant que j’aie pu répondre, parce qu’il savait que je viendrais.
Alors j’y suis allé.

❤️❤️❤️
Je commence à penser qu’être ici, c’est ma façon de donner un grand coup de pied dans une palissade avec un chien méchant derrière. Puis les étoiles apparaissent et je n’en reviens pas de voir à quel point elles brillent. La brise a effacé les nuages. Les étoiles me semblent toutes proches.
La panique s’écoule de moi, laissant ma tête vide. Mais maintenant tout est clair. Je remonte le sac de couchage à taches par-dessus mon menton. Soudain, je suis totalement content d’être ici à trembler de froid dans ce vieux duvet. Je sais que je peux disparaître et être absorbé dedans, comme quand je faisais des ricochets ou que j’entassais des briques. Je n’aurais plus jamais à me rappeler quoi que ce soit, jamais jamais. Je pourrais rester ici à frissonner dans ce vieux sac de couchage à taches parce que ça n’aurait pas d’importance. Parce qu’en-dedans, c’est moi et pas lui. Je pourrais prendre sa place. Et tout irait bien quand même, parce qu’il saurait comment empêcher mon père de se sentir obligé de compter et de recompter tout et n’importe quoi et ma mère de se sentir obligée d’être angoissée à l’idée de ne pas être une bonne mère et il sauverait Angela de tous les trucs susceptibles de l’écrabouiller. Toutes ces choses seraient possibles et continueraient à être possibles parce que je frisonne ici dans ce vieux sac de couchage à taches à rêver les étoiles pour l’éternité.
Toutes ces pensées folles me traversent en faisant des ricochets. Les trucs qui ricochent ont toujours l’air de savoir où ils vont jusqu’à la seconde précise où ils font « floc ! »

❤️
Elle s’installe juste à côté de moi comme si elle était ma mamie.
— Pourquoi tu n’es pas à l’école ? demande-t-elle enfin, même si j’ai retiré mon uniforme.
Elle appelle son caniche et lui donne des morceaux de Pim’s à l’orange.
— Je ne suis pas une ordure.
Ma voix sonne creux, plus vieille que moi. Je voulais dire que je n’étais pas ce « genre d’ordure ».
— Je t’ai vu lâcher ton Tetra-Pack, dit-elle.
— Il était pas à moi.
— Ça m’est égal.
Puis, d’une voix plus douce, elle insiste :
— Pourquoi l’as-tu ramassé avant de le jeter par terre ?
— Je ne ramasse plus les saletés des autres pour les mettre à la poubelle à leur place.
— Pourquoi ?
— Parce que.
Je m’arrête là. Un mot de plus, et je risquerais de tout déballer.
