Twilight, tome 5, Stephenie Meyer
Présentation
« — Je ne dors pas, précisai-je.
Il y eu un silence, puis :
— Pas du tout?
— Jamais.
Je croisai son regard pénétrant, surpris, compassionnel et, tout à coup, l’absence de sommeil se rappela cruellement à moi. J’aurais tant voulu dormir, non pas pour m’abandonner à l’amnésie ou échapper à l’ennui, mais pour rêver. Si je parvenais à l’état d’inconscience, j’accéderais peut-être pendant quelques heures à un monde onirique où elle et moi pourrions être ensemble. Elle rêvait de moi. J’aspirais à rêver d’elle.
Elle me dévisageait avec une intensité si inquisitrice que je me détournai.
Je n’étais pas en mesure de rêver d’elle. Elle n’aurait pas dû rêver de moi. »
11/20
Chronicle
Alors, ça, c’est pour mes Funkynautes !
Je n’oublierais jamais l’euphorie Twilight. Franchement, c’était assez historique. On n’avait pas vu ça depuis Harry Potter, en fait, et je suis vraiment contente d’avoir vécu cette époque. C’était un peu comme un raz-de-marrée qui a tout englouti sur son passage. Et voir l’impact de cette saga plus de dix ans après sur la littérature jeunesse, c’est fou. Faudrait que je lise des analyses sociologiques et culturelles à ce propos, je sais que ça m’intéresserait beaucoup ! Donc, cette lecture, je la devais bien à mes Funkynautes de cette vieille époque, qu’ils me lisent ou qu’ils ne me lisent plus d’ailleurs, parce qu’après tout, j’ai lu Twilight grâce (à cause ?) d’eux ! Et je leur en suis tellement reconnaissante car j’aurais regretté de ne pas l’avoir lu pour la culture. Par exemple, je n’ai jamais lu Harry Potter et c’est vraiment un de mes plus grands regrets livresques. Quand j’étais petite, tout le monde lisait les aventures du sorcier à Poudlard. Mais, moi (oui, toujours moi, y’a rien à faire), je ne voulais pas les lire car je refusais de faire comme tout le monde. J’arrive pas à croire que j’étais déjà une petite biatch à un si jeune âge.
Sûr et certain, je le lirai un jour. J’me sens telle une imposteuse de ne pas l’avoir lu alors que TOUTE ma génération, si ! Et lire en étant adulte, ce n’est pas pareil qu’en étant enfant. Toute l’expérience est différente. Dommage pour moi mais que pouvais-je bien faire face à cette personnalité surdéveloppée de petite diva teigneuse ? (Autre grosse raison, je ne voulais pas lire HP car c’était un garçon et moi j’étais trop girly, je lisais que des trucs de fille, décidément… 💅🏼💄👡✨)
Voilà que je m’égare ! Pour reprendre sur notre sujet, bien sûr, j’étais obligée de le lire en souvenir des années lycées et parce que ça me faisait plaisir avant tout.
Je ne sais pas si je mettrais les chroniques des tomes de la saga dans ce blog mais sachez, qu’en vrai de vrai, je n’avais pas spécialement aimé Twilight. C’était très moyen, je m’en souviens bien. Et chiant aussi. Mais je pense que tout le génie du truc, c’était l’ambiance très particulière qu’émanée les bouquins (sentiment renforcé par la splendide BO de la version film). C’était genre nul, je m’ennuyais en lisant mais, justement, je me souviens archi bien l’avoir lu. C’était loin d’être une lecture transcendante dans l’immensité de mon bookflow mais impossible d’oublier. En plus de ça, quand c’était sortie, je ne me considérais pas du tout comme le public visé (et je le pense toujours maintenant). Pour moi, ça faisait trop teen blanc. C’était pas une lecture pour une Amel, en fait. J’étais clairement pas dans l’euphorie mais j’ai quand même fini par la lire par curiosité et surtout parce que je sentais que cette saga était en train de s’inscrire dans la culture, notamment avec la sortie film.
C’était donc avec un grand plaisir que j’ouvrais Midnight Sun et que je tombais sur la dédicace aux lecteurs :
« Ce livre est dédié à tous les lecteurs qui ont fait partie de ma vie avec tant de bonheur ces quinze dernières années.
Lors de notre première rencontre, vous étiez des adolescents aux yeux magnifiques et brillants pleins de rêves d’avenir.
J’espère que, depuis, vous les avez tous trouvés et qu’ils se sont révélés encore meilleurs que ce que vous espériez. »
Ça m’a fait tellement chaud au coeur de lire ça. J’arrive pas à croire que le temps soit passé si vite. Oui, j’avais pleins de rêves d’avenir. Est-ce que je les ai trouvés ? Je ne sais pas. Rien ne s’est passé comme prévu mais je continue de chercher. Et d’y croire aussi.
Pour ce qui est d’Edward et Bella, rien n’a changé. Au contraire, on reprend dès le début ! Et comme vous pouvez le voir, je n’ai pas apprécié. Je ne voulais tellement pas le mettre dans la liste des nazeries mais la vérité, c’était trop naze, je ne pouvais pas sur-noter, désolée !
En fait, ne pas vraiment apprécié ne m’a pas étonné plus que ça car ce tome bonus est dans la continuité des autres qui ne m’ont pas fasciné non plus. Seulement, bien que je note toujours assez gentiment, je suis devenue un peu plus dure qu’il y a dix ans, forcément !
Avant même de commencer, je trouvais déjà le livre un peu trop gros mais je lui donnais sa chance sans hésiter. Ainsi, dès le premier chapitre, j’avais déjà envie de clams. Autant j’ai beaucoup aimé être dans la tête d’Edward et voir tout ce ce qu’il passait à travers ses yeux, autant c’était archi long, quoi ! J’ai presque envie de dire qu’on est sur 800 pages d’un immense monologue presque ininterrompu d’Edward. Il raconte de manière troooop détaillée ses réflexions. Il ne raconte même pas l’histoire car il n’y a pas vraiment d’action mais il nous partage toutes ses réflexions en les étirant à mort. C’est comme si on était dans l’explication du point de vue d’Edward. Évidemment que ça nous intéresse de voir et comprendre comment, lui, a vécu la situation mais là c’est trop ! Et, sans surprise, ça finit irrémédiablement par tourner en rond. On est sur 800 pages de : l’odeur de Bella, résister pour ne pas la tuer, je l’aime elle est toute ma vie, pourquoi n’a-t-elle pas peur de moi, je refuse de la transformer, ça va finir par la mort. Voilà en deux lignes toutes les pensées d’Edward qui ne finissent pas de se répéter jusqu’à la fin. Ceci dit, j’ai vraiment apprécié le style d’écriture et comment cela reflétait la façon de parler d’Edward, raffinée, assez recherchée.
Mais comme je le dis plus haut, l’action n’est pas au rendez-vous. On voit tous les jours de la semaine défiler un à un avec la routine au lycée et c’est d’un chiiiiiiiaaaaaaaant. Je me souviens que c’était comme ça aussi dans les premiers tomes donc c’est normal que l’autrice colle le plus possible à l’histoire d’origine et c’est donc normal que je n’aime pas non plus comme pour les précédents.
En plus de ce ça, je n’avais peut-être pas fait attention à l’époque mais c’est quoi ce putain de vampire stalker ?! Il la guette dans un arbre, dans sa voiture, dans un couloir, DANS SA CHAMBRE ! J’ai trouvé cette partie un peu limite mais comme c’est Twilight, je laisse totalement passé, allez c’est pas grave, y’a prescription. En revanche, Bella qui nous murmure son prénom à chaque fois qu’elle dort est si ridicule. Pourquoi c’est aussi niais !? Et Edward qui nous fait chier avec ses : “pourquoi Bella n’a pas peur de moi ? Son cerveau marche à l’envers.“ Mais ta gueuuuuule putain Edward ! Mdr j’en pouvais plus.
On a compris que Bella était maladroite, qu’elle se fout toujours dans des situations improbables, qu’elle ne réfléchit pas comme les gens normaux et qu’elle ne se rend pas compte de sa beauté fatale. D’ailleurs, le fait qu’elle se croit moche et “ordinaire“ alors qu’elle attire tous les mecs de son lycée est tout aussi désespérant. La mésestime de soi, ça va deux secondes, hein. Mais le plus drôle, bien sûr, c’est qu’elle découvre qu’Edward est un vampire presque tout de suite. Même à l’époque de la sortie du film, c’était drôle. Genre tu vois un individu pâle de peau, qui rate les cours de temps en temps quand y’a du soleil et qui a les iris un peu ambrés et de toutes les possibilités du monde, tu te dis direct, c’est un vampire. Mdr un peu n’importe quoi mais en vrai, c’est ça qu’on aime.
Autre chose que j’ai aimé aussi entre Edward et Bella, c’est leur amour indestructible en même temps que destructeur. J’aime la solidité de leurs sentiments alors même qu’ils viennent de se rencontrer et par dessus tout, j’aime la pudeur de leurs sentiments et leurs paroles concernant la chair. Ça me change des histoires bien reloues où le mec a toujours mille conquêtes à son actif et où la fille est une innocente petite chose. Dans Twilight, les deux sont au même niveau en amour et j’ai vraiment aimé cet équilibre !
J’ai aussi apprécié retrouver tous les personnages. Ce bon vieux Carlisle, on l’adore ! Le respect et la profonde estime que lui témoigne Edward ainsi que le reste de la famille montre à quel point c’est un grand homme vampire. Je ne sais plus si ces passages apparaissaient dans la version film mais j’ai kiffé l’anecdote avec Siobhan et le nouveau régime alimentaire. Vivre comme Carlisle ne suffisait plus à Edward qui a choisi de s’en aller pour de nouveaux horizons. Carlisle n’est pas déçu de lui pour autant, il l’accueille à bras ouvert et sans jugement quand il revient, honteux, en se rendant compte que cette vie-là était une vie de misère. J’ai pareillement beaucoup aimé l’anecdote sur sa proie du Milwaukee en 1930. C’est des histoires qui m’ont plus plu que le reste du bouquin car ça permet réellement de donner du caractère aux personnages. Ça changeait de la monotonie des réflexions d’Edward.
Ça changeait également des descriptions des scènes si longues et si détaillées qu’elles m’endormaient ! Là, je pense tout de suite à la partie de baseball ⚾️ Pour commencer, je ne connais pas les règles de ce sport donc me décrire absolument toutes les actions du match, c’était un no way, j’comprenais rien ! J’essayais même de faire des efforts en revenant en arrière dans ma lecture mais j’ai lâché l’affaire. En fait, je ne connais PAS ce sport donc inutile de se forcer plus. Et ce n’est pas le propos du livre alors pourquoi nous faire 30 pages là-dessus ?! Pareil pour le chapitre de la course contre la montre où on voit Edward sur 15 pages conduire une voiture très très vite pour arriver à temps. 15 pages de conduite folle en voiture pour faire quoi, au juste ? Y’a trop de détails dont on s’en fout. Je ne vois pas quel est l’intérêt de rallonger l’histoire avec du superflue pour que le livre atteigne les 800 pages.
J’dois tout de même avouer qu’à partir du moment où les Cullen rencontre le trio de vampires pendant la partie de baseball et que James décide de prendre Bella en chasse, l’intrigue prend un tournant plus intéressant pour moi. Enfin un peu d’action ! Encore que, c’était pas trop ça mais c’était mieux que les 600 premières pages.
Tout le long du livre, je revoyais le film dans ma tête, c’était fou. Ça fait des années que je ne l’ai pas visionné mais cet opus m’a permis de bien me le remémorer et ça m’a donné envie de le regarder une fois de plus pour pouvoir revivre ma lecture et comparer les deux versions. Du coup, il y avait des scènes que j’attendais plus que d’autres. Évidemment, j’avais hâte d’arriver à la partie de baseball qui est juste une scène mythique de Twilight. J’avais aussi hâte du moment où Edward sauve la vie de Bella qui a failli se faire emboutir par une voiture sur le parking du lycée au début. La scène que j’avais vraiment envie de voir toutefois était celle où, invitée chez les Cullen pour la première fois, Jasper lui saute dessus en sentant l’odeur de son sang car elle s’était coupée sans faire exprès. Quand je vous dis que je revoyais exactement les scènes du films dans ma tête ! Ma surprise a été que ce passage-là n’est jamais arrivée. Donc cette scène n’existe que dans le film ?! Ça m’a grave étonnée !
Quoi qu’il en soit, la fin a été un supplice pour moi. J’étais super fatiguée, il était bientôt minuit, mes yeux se révulsaient de fatigue, ma tête ne tenait plus sur mon cou. Je me suis fait violence pour terminer les derniers chapitres avant minuit et j’ai réussi. Il m’aura néanmoins fallu le triple du temps que j’avais prévu pour la lecture de Midnight Sun parce que c’était juste trop chiant et je me suis beaucoup forcé pour arriver à bout et tenter de garder le rythme.
Je dirais que ça m’a fait super plaisir d’avoir le livre entre les mains en même temps que ça a été une horreur à lire. Trop statique, trop long, trop de détails insignifiants, trop de pensées d’Edward, trop de répétions. Ç’a m’a cependant rappelé pleins de souvenirs et de bons moments de cette lointaine époque de mon adolescence. Dommage que la lecture ait été interminable. Je pense que l’autrice voulait faire plaisirs à ses fans en sortant un aussi gros tome mais j’suis plutôt d’avis de privilégier la qualité à la quantité.
Honnêtement, j’ai grave le seum de le mettre dans ma liste des pas appréciés mais le fait est que je n’ai pas aimé maaais j’ai trop aimé en même temps aussi, c’est là tout le problème de cette lecture. Je le devais bien à mes Funkynautes. Ça m’a fait plaisir de me replonger dans Twilight malgré tout ! J’ai été nostalgique tout le long des chapitres (soit dit en passant, les chapitres étaient super longs ce qui rajoutait à me difficulté pour les finir) et je ne suis pas restée insensible à cet amour ravageur entre deux jeunes gens éperdus. On aimerait aimer et être aimé comme ça un jour, n’est-ce pas ? Pour l’éternité.
Edit : STOP ! ARRÊTEZ TOUT ! J’ai décidé, par les pouvoirs livresquement livresque qui m’ont été accordés, de modifier ma note en un 11/20 ce qui permet de basculer Midnight Sun hors de la BadList. Je ne pouvais pas le mettre dedans (même s’il y avait sa place!) Ah là là, quelle indulgente je fais 🤷🏻♀️
Update : donc deux semaines après avoir écrit cette chronique, je vois mon neveu Yassine de neuf ans avec Harry Potter à l’École des Sorciers dans les mains. Neuf ans ! Monsieur lit des livres za3ma, purée j’ai la haine mdr
Les extraits que j’ai choisis

J’étais lucide sur la fascination qu’elle éveillait en moi, bien que je lutte contre. Je ne pouvais me permettre d’être intéressé par Bella Swan. Plus exactement, elle ne pouvait se le permettre. J’avais déjà hâte d’avoir une occasion de reparler avec elle, d’en apprendre plus sur sa mère, sur sa vie avant Forks, sur sa relation avec son père. Autant d’aspects insignifiants qui étofferaient ce que je savais déjà. Malheureusement, toute seconde en sa compagnie serait une erreur, un risque qu’elle n’était pas obligée de courir.
Au moment précis où je m’accordais une nouvelle respiration, elle rejeta ses cheveux en arrière. Une vague très concentrée de son parfum frappa le fond de ma gorge.
Ce fut comme le premier jour, comme la grenade. La douleur fulgurante de l’incendie me fit tourner la tête. Je dus me retenir au bord de la table pour ne pas tomber. Je me contrôlai mieux, cependant, et ne cassai rien. Si le monstre en moi geignit, il ne se réjouit pas de ma souffrance. Je l’avais trop bien ligoté. Pour l’instant.
Je cessai aussitôt de respirer et m’éloignai le plus possible.
Non, je n’avais pas le droit de la trouver envoûtante. Plus elle me captiverait, plus je jouerais avec sa sécurité. J’avais déjà commis deux erreurs, allais-je en faire une troisième qui, elle, ne serait pas mineure ?

Un cœur mort et gelé pouvait-il se briser ? J’eus l’impression que le mien, oui.
— Edward, souffla-t-elle tout à coup.
Je me pétrifiai, regardai ses yeux clos. S’était-elle réveillée ? M’avait-elle prix sur le fait ? Elle avait l’air assoupi, mais sa voix avait été si nette ! Elle poussa un petit soupir, s’agita de nouveau, roula sur le flanc. Elle dormait et rêvait.
— Edward, répéta-t-elle.
Elle rêvait de moi.
Un cœur mort et gelé pouvait-il se remettre à battre ? J’eus l’impression que le mien allait le faire.
— Reste… Je t’en prie, reste… Ne pars pas…
Bien qu’elle rêve de moi, elle ne cauchemardait pas. Elle me suppliait même de rester avec elle !
Je cherchai un mot pour qualifier la sensation qui m’envahit alors. Je n’en trouvai aucun. Longtemps, je me laissai sombrer dans cet océan sensible.
Lorsque j’en émergeai, je n’étais plus le même.
Mon existence se résumait à un minuit infini et immuable. Par nécessité, il en irait toujours ainsi. Alors, d’où venait ce soleil qui, soudain, se levait sur mon minuit ?

— C’est le crépuscule, murmurai-je.
L’heure où les vampires sortaient jouer, quand nous ne redoutions pas qu’une éclaircie brutale ne nous éclabousse, lorsque nous pouvions profiter des ultimes rais de lumière sans craindre de nous exposer. Bella me dévisageait avec curiosité, comme si elle en avait perçu plus dans mon ton que dans mes paroles.
— C’est le moment de la journée le plus sûr pour nous, lui expliquai-je en essayant de ne pas être trop mélancolique. Le plus agréable, le plus triste aussi, en quelque sorte… la fin d’un autre jour, le retour de la nuit. L’obscurité est tellement prévisible, tu ne trouves pas ?
Tant d’années nocturnes…
— J’aime la nuit, décréta-t-elle, toujours originale. Sans elle, nous ne verrions pas les étoiles. Bien qu’ici ce ne soit guère facile, maugréa-t-elle.
Je m’esclaffai. Elle ne s’était pas encore totalement adaptée à Forks. Repensant aux étoiles à Phœnix, je me demandai si elles ressemblaient à celles en Alaska, si étincelantes et si proches. J’aurais aimé pouvoir l’emmener là-bas cette nuit pour que nous puissions les comparer, mais elle avait une vie à mener.

Je regrettais étant de ne pas être humain, en cet instant, que j’en fus presque paralysé.
Malheureusement, je ne l’étais pas, et l’heure avait sonné de montrer une discipline de fer. Je brandis ma paume en signe d’avertissement. Elle comprit, ne céda pas à la peur pour autant. Baissant le bras, elle attendit sur place. Curieuse.
J’avalai une profonde goulée d’air ambiant, éprouvai pour la première fois depuis des heures la brûlure du parfum de Bella.
Malgré ma confiance en Alice, je ne voyais pas trop comment cette histoire allait pouvoir se poursuivre. Elle se finirait forcément ici, n’est-ce pas ? Bella me découvrirait tel que j’étais, et elle réagirait comme elle aurait dû le faire dès le début : elle serait terrifiée, dégoutée, horrifiée, révulsée… et me quitterait.
Bien que j’aie l’impression de n’avoir jamais affronté un défi aussi difficile, je me forçai à lever un pied et à propulser mon poids en avant.
J’affronterais ceci sans flancher.
Avec tout ça… Sa première réaction me serait intolérable. En dépit de sa gentillesse, elle ne parviendrait pas à dissimuler son choc et son aversion. J’allais lui laisser le temps de s’en remettre.
Fermant les yeux, j’avançai dans la flaque de soleil.

— Isabella… Bella…
Prononcer son prénom était un plaisir pur. C’était comme un aveu. Je suis sien. Récupérant l’une de mes mains avec douceur, je caressai ses cheveux chauffés par le soleil. Le bonheur de ce contact tout bête, de savoir que j’étais libre de la toucher ainsi me submergea. Je repris ses doigts dans les miens.
— Je ne me supporterais plus si je le faisais. Tu ne devine pas à quel point cela m’a torturé.
Je m’en voulus de me détourner de son regard plein de compassion, mais il m’était trop dur de penser en même temps à son autre visage, celui de la vision d’Alice
— T’imaginer immobile, blanche, froide… ne plus jamais te revoir rougir, ne plus jamais revoir cet éclat d’intuition allumer tes yeux quand tu pressens mes mensonges… ce serait intolérable.
Ce terme recouvrait mal l’intensité de mon angoisse. Mais bon, j’en avait fini avec l’aspect immonde, je pouvais maintenant dire ce qui me tenait à cœur depuis si longtemps. Je la fixai de nouveau, tout entier à la joie de ma confession.
— Tu es désormais l’élément le plus important de ma vie. De toute ma vie.
À l’instar de « intolérable » qui ne suffisait pas, ces mots n’étaient qu’un faible écho des sentiments qu’ils étaient censés traduire. Je priai pour qu’elle décèle leur inadéquation dans mes yeux. Elle avait toujours été meilleure pour déchiffrer mon esprit que moi le sien. Elle soutint un instant mon regard en rosissant, puis baissa la tête. La beauté de son teint m’enchanta, sa splendeur me suffisait.
— Tu sais ce que j’éprouve pour toi, souffla-t-elle. Je suis ici… ce qui, en gros, signifie que je préférerais mourir plutôt que de te perdre.
Je n’aurais pas cru qu’il était possible d’éprouver à la fois une telle euphorie et de tels regrets. Elle me voulait – l’extase. Elle risquait sa vie pour moi – l’horreur.
— Je suis une idiote, ajouta-t-elle en fronçant les sourcils.
Sa conclusion déclencha mon hilarité. D’un côté, elle n’avait pas tort. N’importe quelle espèce qui courait se jeter dans les bras de son prédateur le plus dangereux ne survivait pas longtemps. Heureusement pour elle qu’elle était exceptionnelle.
— Tu l’es, renchéris-je, moqueur.
Et j’en serais éternellement reconnaissant.

Je songeais à présent que ça aurait été plus simple. Il était certain que la rouquine effrayée se serait enfuie, douteux que Laurent se soit rangé au côté de James pour ce qui, de toute évidence, était un combat perdu d’avance. Même s’ils avaient fait front à trois, aucun n’en aurait réchappé. Surtout si Jasper avait orchestré une attaque surprise sous couvert de son écran de fumée, alors que leurs yeux étaient rivés sur Emmett. J’en connaissais assez sur le passé de Jasper pour deviner qu’il aurait réussi à liquider le trio tout seul. Ce qu’Emmett ne lui aurait pas permis, bien sûr.
Par ailleurs, si nous avions été un clan normal, ce qui était antinomique avec notre nombre, nous aurions sûrement déclenché les hostilités rien que pour laver l’affront. Malheureusement, nous n’étions pas normaux. Nous étions civilisés. Nous nous efforçions de mener une vie meilleure. Plus douce et plus paisible. Par respect pour notre père.
À cause de lui, nous avions hésité, ce soir. Nous avions choisi la voie de l’humain, par habitude.
Cela nous affaiblissait-t-il ?
Bien que l’idée me déplaise, je décidai tout de suite que nous avions eu raison d’agir ainsi. Je le sentis. Ça parlait profondément à mon état d’esprit, à celui que j’étais… à mon âme, si tant est que ça existe. À ce qui, en tout cas, régissait mon corps.

