Tous nos Jours Parfaits, Jennifer Niven

Présentation

Theodore Finch veut en finir avec la vie. 
Violet Markey est dévastée par la mort de sa sœur. 
 
Ils se sont rencontrés sur les toits du lycée au bord du vide, et c’est ainsi que leur histoire a commencé. Ce n’est qu’ensemble qu’ils arrivent à être eux-mêmes…
 
Tandis que le monde de Violet s’épanouit, celui de Finch ne fait que rétrécir. La magie de leurs jours parfaits pourra-t-elle les sauver ?

15/20

Chronicle

Je suis complètement perdue. Je suis bouleversée. 
La mort de Finch m’a tellement bouleversé que je suis passée d’un extrême à un autre en l’espace d’une seconde. Je n’arrive même plus à savoir ce que je pense du suicide maintenant. Je vais diviser ma chronique en deux.

• AVANT LA MORT DE FINCH

J’avoue avoir commencé le livre avec des a priori assez forts sur le suicide. En plus, je l’ai pioché dans la liste de mes envies qui date de quarante ans et maintenant, chaque fois que je décide de me faire un titre de cette liste, je le prends presque comme une corvée. On a lancé – j’ai lancé – le challenge #liquidation donc faut bien que je la liquide cette liste ! Breeeef, dès le chapitre un, je n’étais pas convaincue. Et Finch…je n’aime pas. Pourquoi parle-t-il de la mort (de SA mort) aussi légèrement ? Je n’ai pas aimé la désinvolture du personnage. Puis pourquoi se suicider en haut du clocher du lycée ? Pourquoi pas chez lui ? À moins qu’il ne veuille faire l’intéressant ? Je ne vois pas pourquoi des gens se suicident dans les lieux publics si ce n’est pour faire chier une dernière fois leurs mondes. Donc voilà, ça c’est le fond de ma pensée en commençant le livre. 

En plus, le personnage de Finch ne me touchait pas donc c’était difficile de ressentir de la sympathie à son égard. D’abord par sa désinvolture vis-à-vis de la mort alors que ça reste un sujet grave mais surtout son côté forceur pour pouvoir entrer à tout prix dans la vie de Violet. Il tombe presque immédiatement amoureux d’elle alors qu’il a une tendance au suicide. J’ai interprété la chose comme si Violet était en fait une bouée de sauvetage pour le garder éveillé. Lui-même deviendra la sienne par la suite donc, finalement, j’ai trouvé ça cool parce qu’ils remontent la pente ensemble.

A part le côté sérieux du roman sur le suicide, j’ai trouvé tout le reste de l’histoire très élémentaire, même niais. Ça casse pas des briques en tout cas. Donc comme toujours dans les livres pour ados, on a la meuf populaire à laquelle il va arriver quelque chose qui va remettre sa vie parfaite en question (ici la mort de sa sœur). Elle va se rendre compte que ses copines les pompom girls et ses copains les quaterbacks sont méchants et superficiels et elle va tomber amoureuse du mec bizarre mais ténébreux qui n’aime pas les populaires. Bon, j’aimais bien ce genre de synopsis quand j’avais douze ans mais un peu moins maintenant. Le côté suicide peut renvoyer à de la littérature Young Adult mais le reste me paraît assez enfantin. D’ailleurs, pourquoi dans ce genre d’histoire, on a toujours le schéma du bad boy qui s’est “tapé“ des milliers de meufs et qui tombe amoureux d’une vierge effarouchée ? 

Toutefois, vers la moitié du livre à peu près, j’ai commencé à être touchée par les personnages et notamment Violet. J’ai aimé voir qu’elle recommençait à écrire, qu’elle a décidé de se lancer dans un nouveau blog et qu’elle a rendu les lunettes de sa sœur. J’adore voir les gens relever la tête, avancer, guérir. C’est tellement positif, ça fait du bien de lire ça. Et sa démarche de créer un nouveau blog trouve écho en moi car moi-même je souhaiterais me relancer dans l’aventure des blogs et des chroniques, aventure que j’ai arrêté depuis bien longtemps donc ça m’a motivé.
Les réflexions sur la vie m’ont aussi donné à penser sur pleins de choses. Qu’est-ce que je voudrais faire avant de mourir ? C’est quoi un jour parfait pour moi ? La vie est tellement courte, tellement imprévisible. Parfois (souvent en fait), j’ai juste l’impression de gâcher mes journées, perdre des jours précieux à faire des choses qui ne me plaisent pas, ou à ne rien faire. Comment profiter de la vie ? Comment faire en sorte que le reste de mes jours deviennent parfaits pour moi ?

Le seul point noir encore en suspens, c’était Finch. Pourquoi il rechute ? C’est quoi son problème ? J’essayais vraiment d’être sans jugement parce que je ne suis pas suicidaire et je ne l’ai jamais été donc je ne peux pas comprendre ce qu’il se passe dans sa tête mais c’est plus fort que moi, je suis obligée d’analyser le truc. Pourquoi veut-il toujours se suicider ?! Tout va bien dans le meilleur des mondes. Il a traversé ses épreuves comme tout le monde dans la vie, il peut passer à autre chose. Les parents de Violet ne veulent plus qu’elle le voit mais ce n’est pas une raison d’aller jusqu’au suicide. Autre question, pourquoi quand il fait une tentative, il fait toujours machine arrière (cf. hôpital) ? J’comprends pas sa démarche, si ce n’est faire l’intéressant. Pourquoi avoir tant cherché à entrer dans la vie de Violet si c’est pour l’abandonner un peu plus tard ? Il y même un passage dans le texte que j’ai trouvé un peu ridicule, je cite :

« ­— Tu sais ce que je donnerais pour être toi, juste une journée ? Pour vivre, vivre tranquille, sans angoisse, et être content de ce que j’ai ? »

Ok mais c’est quoi ton problème à toi, Finch, à part imaginaire ? Un peu déplacé de dire ça à Violet qui malgré la mort de sa sœur, fait des efforts et se relève, alors que lui n’en fait pas pour résoudre sa situation. Il a de bonnes notes à l’école, il postule dans des grandes facs où il a toutes ses chances, il doit encore se coltiner son père une fois de temps en temps mais c’est bientôt fini, il file le parfait amour, c’est quoi son problème à la fin ? Quand Finch est parti voir son psy qu’il lui a dit qu’il pouvait s’agir d’un trouble schizophrénique, ça m’a enfin aidé à comprendre le personnage. Ça explique donc sûrement ses tendances suicidaires. Mon problème est que je cherche toujours une réponse à tout mais je comprends à la lecture de ce livre qu’on n’est pas obligé d’avoir une raison réelle (dans le sens physique) de se suicider. Je cherche à comprendre mais je crois qu’il n’y a juste rien à comprendre.

  À partir de ce moment-là, je voulais juste que Violet s’éloigne de lui. Heureusement, c’est lui qui va s’éloigner d’elle. Qu’elle remonte la pente et qu’elle se concentre sur sa future longue et belle vie qui lui tend les bras. J’étais contente de voir qu’elle passait à autre chose mais je me disais que Finch allait revenir pour tout gâcher. Et justement, Finch revient avec des messages bizarres envoyés à ses proches. Une promesse de suicide s’ils ne l’ont pas trouvé avant qu’il passe à l’acte. C’est comme ça que je l’ai pris au début. Voilà donc que Violet se lance dans un Fort Boyard édition spéciale suicide où il faut retrouver Finch grâce à des devinettes avant qu’il ne fasse le grand saut. Je me suis dit qu’il ne voulait pas se suicider, simplement attirer l’attention comme m’a laissé penser sa conduite depuis le début. 
Sauf qu’il a réussi. Il est mort. 

• APRÈS LA MORT DE FINCH

Je suis choquée. Je me sens bête. En fait, je ne sais plus quoi penser. Il reste 40 pages, je pleure jusqu’à la fin. Les 40 dernières pages, j’ai l’impression de lire un autre livre. Je ne m’ennuie plus, je ne lis plus sans lire, je lis vraiment. J’ai adoré ces dernières balades dans les pas de Finch. J’aurais préféré qu’ils les fassent à deux mais je conçois que la solitude est encore plus belle pour visiter ces lieux. Maintenant, je comprends que le plus important, c’est pas de comprendre mais d’accepter. Les mots de l’autrice sont parfaits. Le deuil de Violet est parfait. Triste à en mourir mais magnifique (donc, selon l’autrice, le suicide serait magnifique ?) Violet est encore plus forte qu’avant, elle aussi elle a compris.

Je suis bouleversée. Au début, je n’aimais pas Finch. Maintenant, j’ai juste envie de lui dire merci car il a permis à Violet de voler. La fin m’a renversé. Toute mon opinion sur le suicide est à refaire. Je commence ici, avec ce livre.

NB : Avant de mourir, je veux vivre un jour parfait en me baladant dans l’Indiana.

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Les extraits que j’ai choisis

— Je vais te poser une question : crois-tu en la notion de jour parfait ?
— Quoi ?
— Un jour parfait. Du début à la fin. Où rien d’affreux, de triste ni d’ordinaire ne se produit. Tu crois que c’est possible ?
— Je n’en sais rien. 
— Ça t’est déjà arrivé ?
— Non.
— Eh bien, moi non plus, mais c’est mon objectif. 
Elle chuchote :
— Merci, Theodore Finch.

[…] ^{Alors, allons-y ! En route ! On va faire un truc qui compte ! On va faire le grand saut !}
Comme elle ne répond pas, j’ajoute :
^{Je suis là si tu as envie de parler.} 
Silence. 
J’imagine Violet chez elle en cet instant précis, derrière son écran, avec ses lèvres parfaites qui sourient à l’écran, malgré tout, quoi qu’il arrive. Violet sourit. Gardant un œil sur mon PC, je prends ma guitare, j’ai déjà les paroles, la mélodie n’est pas loin. 
Je suis toujours là et tant mieux parce que sinon j’aurais raté ça. Des fois, ça vaut le coup d’être éveillé. 
Je chante :
— Pas aujourd’hui, parce qu’elle m’a souri.

— Tu irais où si tu pouvais aller n’importe où ?
— Toujours en cas d’apocalypse ? 
— Non.
A New York. C’est la première réponse qui me vient à l’esprit, pourtant je dis :
— Je retournerais en Californie. 
Je veux dire la Californie d’il y a quatre ans, avant qu’on vienne s’installer ici, quand Eleanor allait entrer en seconde et moi en troisième. 
— Mais tu connais déjà, tu n’as pas envie de découvrir autre chose ?
Il pédale sans tenir le guidon, les bras croisés. 
— Il fait toujours chaud là-bas, il ne neige jamais. 
Je hais la neige pour toujours et à jamais. J’entends Mme Kresney et mes parents me répéter de faire un effort. Alors je reprends :
— J’aimerais bien aller étudier au Brésil ou au Japon. Il faut que la fac soit au moins à trois mille kilomètres d’ici. 
Et qu’il ne neige pas plus de trois centimètres par an, ce qui élimine New York. 
— Mais je vais peut-être rester ici, finalement. Je n’ai pas encore décidé. 
— Tu veux savoir où j’irais moi, si je pouvais ?
Pas vraiment. Pourtant je demande docilement : 
— Où tu irais si tu pouvais aller n’importe où, alors ?
Mon ton est plus coupant que je ne le voulais. 
Il se penche sur son guidon, plongeant son regard dans le mien. 
— J’irais à Hoosier Hill avec une jolie fille. 

Etoiles dans le ciel et sur la terre. Difficile de savoir où finit l’un et où commence l’autre. J’aimerais dire quelque chose de profond et de poétique, seulement je ne trouve pas mieux que :
— C’est joli. 
— Joli, répète-t-il. Oui, c’est un mot qu’on devrait employer plus souvent.
Soudain, j’ai une idée. Au-dessus de mon bureau, il y a un gigantesque tableau d’affichage où j’ai punaisé des photos d’écrivains en noir et blanc. Je les enlève, puis je fouille dans mes tiroirs et j’en sors un gros paquet de Post-il multicolores. Sur le premier j’écris : joli.
Une demi-heure plus tard, je recule pour admirer mon œuvre. Le tableau est couvert de carrés de couleurs vives, des fragments, des phrases, des mots qui deviendront peut-être un texte, une nouvelle. Il y aussi mes citations préférées. Et dans la dernière colonne, j’ai fait une section « Nouveau site internet sans nom ». Sur trois Post-it séparés, j’ai noté : Lire. Aimer. Vivre. Je ne sais pas si ce seront des rubriques, des articles ou juste des mots qui sonnent bien. 
Ce n’est pas grand-chose pour l’instant, mais je le prends en photo et je l’envoie à Finch en commentant : ^{Regarde ce que tu m’as fait faire}. Toutes les vingts minutes, je regarde si j’ai reçu une réponse, puis je finis par me coucher sans avoir eu de nouvelles de lui.