L’Héritage, tome 4, Christopher Paolini
Présentation
Des villes assiégées,
Une île par-delà les tempêtes,
D’anciennes prédictions,
Un destin s’accomplit …
Il y a peu encore, Eragon n’était qu’un simple garçon de ferme, et Saphira, son dragon, une étrange pierre bleue ramassée dans la forêt…Depuis, le sort de plusieurs peuples repose sur leurs épaules. De longs mois d’entraînement et de combats, s’ils ont permis des victoires et ranimé l’espoir, ont aussi provoqué des pertes cruelles. Or, l’ultime bataille contre Galbatorix reste à mener. Certes Eragon et Saphira ne sont pas seuls, ils ont des alliés : les Vardens conduits par Nasuada, Arya et les elfes, le roi Orik et ses nains, Garzhvog et ses redoutables Urgals. Le peuple des chats-garous s’est même joint à eux avec son roi, Grimrr Demi-Patte. Pourtant, si le jeune Dragonnier et sa puissante compagne aux écailles bleues ne trouvent pas en eux-même la force d’abattre le tyran, personne n’y réussira. Ils n’auront pas de seconde chance.
Tel est leur destin. Il leur faudra renverser le roi maléfique, restaurer la paix et la justice en Alagaësia.
Quel que soit le prix à payer.
17/20
Chronicle
Noon ! Je suis triste, l’aventure est enfin terminée. Et quelle aventure ! J’ai adoré suivre Eragon et Saphira dans leur quête. C’est des personnages que j’ai aimés de bout en bout autant dans leurs paroles que dans leurs actes et qui représentent parfaitement ce que sont des héros.
C’est justement pour ça que, quand on s’éloignait d’eux dans le récit, ça me plaisait tout de suite un peu moins. Par là, je fais bien sûr référence à Roran dont l’ampleur de son personnage me laisse encore dans l’incompréhension. Pourquoi l’auteur lui donne-t-il un rôle si clé dans la guerre contre l’Empire ? Oui, c’est le cousin d’Eragon et oui, j’ai beaucoup apprécié suivre ses péripéties dans le tome 2 mais le guerrier qu’il devient ensuite ne m’intéresse plus du tout car je trouve ses talents à la guerre bien exagérés pour un paysan illettré et surtout, je n’adhère plus du tout à sa personnalité. Je ne l’aime pas, en fait. Il ne m’inspire rien que de l’exaspération.
Dès le début, quand je vois les chapitres sur lui et Katrina arriver, je trouve ça chiant. Je m’en fous, le fil sur Roran est trop insignifiant pour qu’on lui accorde autant d’importance alors que le monde est en guerre ! Le début de ce tome est différent des précédents car il ne m’embarque pas trop dans l’histoire, il ne m’accroche pas comme ceux d’avant et je pense que ça vient en partie de Roran. Trop de chapitres se concentrent sur lui au début et je ne comprenais pas pourquoi. La partie du bouquin que j’ai d’ailleurs le moins aimé, c’est le siège d’Aroughs car, premièrement, c’était très chiant à suivre et le plan avec les embarcations dans le canal et couper les vannes pour faire j’sais pas quoi avec l’eau, j’comprenais rien et deuxièmement, la victoire de Roran lors du siège m’a semblé ridicule. Depuis quand est-il devenu un stratège militaire ? Et alors le coup de s’asseoir sur une chaise devant une table avec Carn qui fait miroiter l’air derrière pour que l’armée ennemie batte en retraite alors qu’elle aurait pu les achever et que ça fonctionne… bon, on est d’accord que l’auteur ne s’est pas foulé sur ce coup. En plus, ce passage-là m’a vraiment agacé car c’était un moyen pour l’auteur de retarder LA vraie action qui se passe du côté d’Eragon avec le siège de Dras Leona. Quand Murtagh arrive dans la ville, j’avais juste envie de savoir quelle allait être la réaction d’Eragon et Saphira puis je tourne la page et je retombe sur Roran.
L’alternance des points de vue des deux cousins alors qu’il y en a qu’un seul qui nous intéresse a joué en la défaveur du bouquin me concernant. Roran, pour moi, c’est un palefrenier à la limite mais pas un chef d’armée. Puis avez-vous lu passage à Aroughs où il menace une jeune fille de 17 ans de la tuer (une civile !) si elle ne lui dit pas où trouver les soldats ennemis ?! Ça m’a choqué car je ne m’attendais pas à ce que ce soit un personnage sans morale quand on voit à quel point les autres héros de l’histoire sont bons et généreux. Dans le même registre, cette fois-ci à Urû’baen, on retrouve encore Roran qui menace de tuer tout messager qu’enverrait le roi Orrin à Galbatorix. Donc il tuerait quelqu’un de son propre camp pour si peu ? Mais euuuh, qui est Roran, en fait ? Il est invité dans les réunions des plus grands chefs d’États puis il se permet de s’opposer et d’insulter ouvertement un roi sans que personne ne dise rien ? D’ailleurs je reviendrai sur le cas du roi Orrin un peu plus bas car je trouve le dénouement de toute cette guerre assez injuste pour lui. Bref, Roran ? Très peu pour moi.
Toutefois, si le début avec tout l’aspect militaire m’a paru un peu maussade, la suite avec le Rocher de Kuthian était vraiment géniale ! Enfin, on repart pour l’aventure ! La guerre commençait à devenir chiante. Ces nouvelles péripéties étaient pile ce qu’on attendait à presque la moitié du bouquin. Je lisais sans discontinuer, je ne pouvais juste pas m’arrêter de lire car je voulais trop savoir ce qui allait se passer ! J’ai trouvé la présence de Glaedr essentiel entre Eragon et Saphira, il a apporté un vrai plus à notre duo dans tout ce périple jusqu’à Vroengard et pareil pour le retour
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avec tous les vieux Eldunarí. On apprend toutes les réponses à nos questions lors du voyage et alors pleins d’espoir et de bonheur lorsqu’on découvre qu’il existe des centaines et des centaines d’oeufs de dragons bien cachés ! J’étais genre :On assiste également à un joli moment entre Arya et Eragon à la fin du chapitre « Une question de devoir » et que j’ai beaucoup aimé. J’avais l’impression que c’était un peu leur grand moment ensemble. Globalement, je trouve que les histoires d’amour ont très bien été menées durant toute la saga (même celle un peu chiante de Roran et Katrina). Donc Eragon et Arya trouveront le grand amour ensemble un peu plus tard dans le temps. C’est bien amorcé. Puis, pour Nasuada, c’est en fait avec le cousin qu’elle s’amourache, je sentais que l’auteur allait la caser avec quelqu’un !
Mais plus important encore que les amours, c’est la guerre ! Vers la fin de la six-centaines de pages, le rythme retombe un peu pour moi ce qui est paradoxal car on se situe là sur le climax de la série, à savoir l’affrontement imminent contre Galbatorix. En réalité et comme je le disais plus haut, l’alternance des points de vue de Roran et d’Eragon est trop pénible. On s’en fout de Roran [hs mais qui est cette femme avec les enfants qui lui sauve la vie à Urû’baen ? Juste une passante ou quelqu’un d’important ?]! On veut juste suivre ce qui se passe avec Galbatorix et je trouve que c’est plutôt dommage que l’auteur ait conçu la fin comme ça. Il n’y a pas des héros mais un seul et c’est Eragon. Il n’y a pas des méchants mais un seul et c’est Eragon qui se bat contre. Il aurait fallu se concentrer seulement sur un fil de combat.
Et parlons maintenant d’un sujet bien plus fâcheux car il a trait à l’intrigue-même (et je l’ai déjà un peu évoqué en parlant d’Aroughs) : n’avez-vous pas remarqué à quel point c’est trop facile ? La victoire à Dras Leona et surtout l’ultime victoire à Urû’baen sont carrément données. Je comprends qu’il faille toujours que les gentils gagnent et que les méchants perdent mais là, l’auteur a beaucoup trop facilité les choses pour faire gagner le camp des Vardens, tellement, que j’y vois même des incohérences.
- Premièrement à Dras Leona : pourquoi Murtagh déciderait de partir après le siège de la ville ? Il aurait carrément pu attaquer Eragon en sachant qu’il avait le dessus sur lui, ne serait-ce que pour lui rendre la victoire moins facile. Puis il finit en effet par revenir à l’attaque une nuit en décidant de surprendre les Vardens dans leur sommeil. Je dois avouer que j’ai un peu oublié ce passage car j’écris cette chronique deux semaines après avoir lu le bouquin mais je me souviens que ça ne m’avait pas convaincu.
- À Urû’baen : cette bataille, en revanche, je m’en souviens bien ! Et alors que d’incohérences ici ! Tout d’abord, Shruikan est tellement biiiiiig, tellement gigantesque, tellement puissant et effrayant qu’il aurait pu détruire l’armée en la survolant avant même le commencement de la bataille. Au lieu de ça, il la survole puis il rentre, c’est tout. Pourquoi pas, on va dire que cette apparition était seulement censée déstabiliser les soldats ennemis. Le lendemain, le jour j, Shruikan est dans le palais allongé derrière son maître pendant que la guerre fait rage à l’extérieur. Il ne sert littéralement à rien. Voilà, c’est juste ça. Ne pas avoir exploiter le potentiel du dragon noir, c’est une totale incohérence pour moi, connaissant Galbatorix. Ce dernier semblait toujours avoir un point d’avance sur ses adversaires vu qu’il savait déjà tout des Vardens et semblait être un méchant très intelligent qui ne sous-estimait pas ses ennemis. Donc, pourquoi ça se finit comme ça ?
La première fois qu’on a rencontré Galbatorix, quand il a fait Nasuada prisonnière, j’étais archi emballée parce qu’il m’avait l’air d’être le dangereux et redoutable ennemi qu’on nous tease depuis quatre tomes. Un roi diabolique qui sait déjà tout et qu’il sera très difficile pour Eragon de combattre. Ça devait être ardu pour l’auteur de créer une fin qui soit à la hauteur de nos attentes et franchement je trouve que ce n’est pas si mal. Recourir à la magie pour le neutraliser, c’était un peu la fin facile mais ça se tient, et c’est le principal. Cela étant dit, pourquoi Galbatorix n’a pas laissé Shruikan décimer l’armée ? Pourquoi n’a-t-il pas créer un autre Ombre pour remplacer Durza, par exemple ? Pourquoi laisse-t-il Eragon et compagnie venir jusqu’à lui en détruisant tout sur leur passage ? Pourquoi n’a-t-il pas tuer Nasuada au lieu de l’offrir à sauver sur un plateau d’argent ? Pourquoi ne l’a-t-il d’ailleurs pas soumis avec le Mot ? Pourquoi ne les-a-t-il pas tous soumis avec le Mot ? Autant le Mot est bien trouvé, autant il est trop bien trouvé, car avec lui, il n’y a même plus de guerre qui soit. Il lui suffit juste de le prononcer pour faire de tous ses désirs les plus fous des réalités.
Au final, le cas de Galbatorix se règle un peu trop vite dans cette fantasy qui nous promettait tellement plus. Ce passage qui est juste l’apogée de toute la saga est un peu expéditif dans un tome qui fait 900 pages. Soit, j’suis pas non plus déçue, ça reste peut-être pas trop mal mais vaut-il le coup de n’être que pas trop mal ?
Est ainsi venu le temps de la paix et de la reconstruction. J’ai adoré le fait qu’après l’ultime combat, l’auteur nous fait cadeau d’une centaine de pages supplémentaires pour nous raconter la suite des événements. En général, après le dernier acte, on a toujours droit à un épilogue plus ou moins court qui nous donne un aperçu de ce que deviennent les personnages et le monde et c’est tout. Par conséquent, l’auteur était très généreux de nous partager tout ça ! Mais devinez qui se retrouvent vite agacée par ce qu’elle est en train de lire ?
La petite réunion des chefs d’États au sommet qui mettent tous un coup de pression à Orrin pour qu’il cesse de réclamer le trône pour qu’il aille à Nasuada, j’ai trouvé ça mais ubuesque, genre (ubuesque est un mot qu’on devrait utiliser plus souvent). Donc là, on se bat pour la liberté tout ça juste pour finir par “élire“ quelqu’un à la place de l’ancien tyran, pas par choix libre mais par contrainte ?! La façon dont les gens de pouvoir ont imposé Nasuada m’a beaucoup agacé. Et cette dernière encore plus. Elle se prend pour qui celle-là ? Orrin a raison quand il dit qu’ils sont tous imbus d’eux-mêmes. Sans le Surda, il n’y aurait jamais eu de campagne des Vardens. Il les fournit en vivres et en soldats. C’est peut-être un roi un peu farfelu mais ça reste un bon roi si on regarde à quel point le Surda se porte bien sous son règne. Nasuada est trop jeune et en plus de ça, mener une armée et gouverner, ce n’est pas tout à fait la même chose. Ils sont quand même bien injustes avec le roi Orrin, lui qui a failli mourir au combat. J’ai eu un peu de mal à saisir tout l’hostilité à son égard. Concernant la désormais reine Nasuada, eh bien, c’est une petite dictatrice en cheffe. Pourquoi tout le monde devrait être obligé de lui donner allégeance ? C’est littéralement les prémices d’une tyrannie, en fait. Mais bon, passons, les jeux de pouvoirs politiques ne sont pas l’enjeu de cette fin.
La consécration de tout cette histoire, c’est les dragons et les Dragonniers.
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J’aurais adoré voir pleins de petits bébés dragons éclore à la fin mais l’amour de Saphira pour Fírnen, elle qui a toujours recherché un compagnon de son espèce, a fait mon contentement.J’ai adoré ce qu’a fait Eragon pour les Urgals – eux pour qui j’avais une petite affection – et les nains car ça permet de rééquilibrer le monde et mettre tous les peuples de l’Alagaësia sur le même pied d’égalité. Et enfin, j’ai adoré ce qu’il a fait pour Sloan. Eragon est si juste, si grand. Je suis sûre que Saphira et lui ont encore pleins d’aventures à mener ensemble. J’avais du mal à tourner les dernières pages, je ne voulais pas les quitter. La fin est très touchante, bonne imitation de celle du Seigneur des Anneaux lorsque Frodon décide de quitter la Terre du Milieu pour des contrées inconnues car il ne pouvait plus vivre là (quelle fantasy ne fait pas référence au Seigneur des Anneaux de toute façon ?) Ils se retrouveront, Arya et lui, et avec eux, une toute nouvelle génération de Dragonniers. J’arrive pas à croire que c’est terminé, ils vont trop me manquer. Eragon et Saphira sont les héritiers d’une épopée incroyable. Que les étoiles veillent sur eux.
Les extraits que j’ai retenus

« Il faut que je me débrouille tout seul, Saphira. Tu ne pourras pas toujours être derrière moi. »
« Je tâcherai d’y être. »
« Je sais. J’en ferai autant pour toi. Mais c’est moi qui doit escalader cette montagne, pas toi. »
La dragonne plissa le museau :
« Pourquoi gravir quand tu peux voler ? Tu n’iras jamais bien loin sur tes deux malheureuses petites pattes. »
« Ce n’est pas vrai, et tu le sais. D’ailleurs, si je volais, ce serait avec des ailes d’emprunt, et je n’y gagnerais que la satisfaction bon marché d’une victoire imméritée. »
« Une victoire est une victoire, et la mort est la mort, quelle que soit la façon dont on les obtient. »
« Saphira… », la gourmanda-t-il.
« Oui, petit homme. »

Puis Arya se leva pour s’en aller.
Quand elle passa devant lui, Eragon tendit le bras comme pour la retenir, puis retira la mains sans la toucher.
— Attends ! dit-il doucement, sans trop savoir ce qu’il espérait, mais espérant quand même.
Le coeur lui battait jusque dans les oreilles, et le feu lui monta aux joues.
Arya s’arrêta devant l’entrée de la tente, le dos tourné :
— Bonne nuit, Eragon.
Puis elle se glissa entre les pans de toile, et languit l’avala. Il resta assis tout seul dans le noir.

Et Galbatorix continuait :
— Cela ne te paraît pas un grand mal, Nasuada ? La vie, c’est le changement. Or, les Dragonniers ont supprimé tout changement, de sorte que le pays survit dans un sommeil agité, incapable de briser ses chaînes, incapable d’avancer ou de reculer selon les lois de la nature, incapable de se renouveler. J’ai vu des mes yeux des rouleaux, dans les cryptes de Vroengard et ici, dans celles d’Ilirea, qui détaillaient des découvertes – en magie, en mécanique, et dans toutes les sphères de la philosophie –, des découvertes que les Dragonniers ont gardées secrètes par crainte de ce qui arriverait si elle étaient connues de tous. Les Dragonniers étaient des lâches attachés à un mode de vie dépassé, à une façon de penser surannée, et résolus à les défendre jusqu’à leur dernier souffle. Leur tyrannie était douce ; elle n’en était pas une moins une tyrannie.
— Le meurtre et la trahison étaient-ils pour autant la solution ? demanda-t-elle, sans se soucier d’être châtiée pour sa question.
Il rit, semblant sincèrement amusé :
— Quelle hypocrisie ! Tu me reproches ce que tu cherches à faire ! Si tu le pouvais, tu me tuerais ici même, sans plus d’hésitation que si j’étais un chien enragé.
— Vous êtes un traître, pas moi.
— Je suis le vainqueur. Au bout du compte, c’c’est tout ce qui importe. Nous ne sommes pas si différents, Nasuada. Tu voudrais me tuer parce que ma mort te paraît un bien pour l’Alagaësia, et parce que – toi qui n’es qu’une enfant – tu te crois capable de diriger l’Empire mieux que moi. Ton arrogance te vaudrait le mépris de beaucoup. Mais pas le mien, parce que je te comprends. J’ai pris les armes contre les Dragonniers pour les mêmes raisons, et j’ai bien fait.
— Pas par vengeance ?
Elle devina qu’il souriait :
— Au début, peut-être. Mais ni la haine ni la vengeance n’ont été mes véritables motivations. Ce que les Dragonniers étaient devenus me préoccupait, et j’étais persuadé – comme je le suis toujours – que Notre peuple ne prospérerait qu’après leur disparition.

❤️
« Si on avait assez de pierres précieuses et si on pouvait y stocker assez d’énergie, vous croyez qu’on volerait jusqu’à la lune ? »
« Qui sait ? répondit Glaedr.
Dans son enfance, le garçon n’avait eu pour univers que Carvahall et la vallée de Palancar. Certes, il entendait parler de l’Empire. Mais ce n’était devenu réalité pour lui que lorsqu’il avait commencé à le parcourir. Plus tard, son image mentale du monde s’était élargie aux dimensions de l’Alagaësia et – confusément – des autres terres mentionnées dans les livres. À présent, il comprenait que ce qui lui paraissait alors si vaste n’était qu’une minuscule partie d’un tout infiniment plus grand. Il était passé en quelques instants du regard de la fourmi à celui de l’aigle.
Car le ciel était concave et la Terre était ronde.
Cela l’obligeait à reconsidérer… tout. La guerre entres les Vardens et l’Empire semblait de peu d’importance comparée à l’étendue de l’univers. Considérés de si haut, les peines et les soucis qui tourmentaient les gens paraissaient bien futiles.
Il confia à Saphira :
« Si tout le monde pouvait voir ce que nous avons vu, peut-être y aurait-il moins de guerres. »
« On ne peut pas demander aux loups de devenir moutons. »
« Non. Mais les loups ne sont pas obligés d’être cruels envers les moutons. »

Levant les yeux pour observer des mésanges, Eragon esquissa un sourire ironique.
— Pourquoi souris-tu ? Demanda Oromis.
— Vous ne comprendriez peut-être pas.
L’elfe croisa les mains sur ses genoux :
— C’est fort possible. Tu n’en auras cependant le cœur net qu’après t’être expliqué.
Le garçon réfléchit. Les mots justes ne lui venaient pas aisément.
— Quand j’étais plus jeune, avant… avant tout ça – d’un geste large, il embrassa Saphira, Glaedr, Oromis, le monde en général –, je me plaisais à imaginer qu’en raison de sa grande beauté, ma mère était admise à la cour des vassaux de Galbatorix. J’imaginais qu’elle voyageait de ville en ville, dînait dans les châteaux, entourée de comtes et de tentes dames et que…qu’elle s’était éprise d’un homme riche et puissant ; que, contrainte par des circonstances mystérieuses de lui cacher mon existence, elle m’avait confié à Garrow et Marian, et qu’elle reviendrait un jour me révéler mon identité, m’avouer qu’elle n’avait jamais eu l’intention de m’abandonner.
— Ce n’est pas loin de la vérité.
— Non, sauf que…dans mes fantasmes, mon père et ma mère étaient des personnages importants ; j’étais important, moi aussi. Le destin m’a donné ce que je souhaitais, mais la réalité n’est ni aussi brillante ni aussi heureuse que dans mon imagination… Je souriais de ma propre naïveté, je suppose. Et de l’ironie du sort : il y avait si peu de chances que mes rêves se réalisent !

❤️❤️❤️
« J’ai trouvé ! » s’exclama-t-elle.
Arquant le cou, elle souffla un long jet de flammes jaune et bleu vers les hauteurs du bâtiment.
« Je connais mon vrai nom ! »
Elle prononça une phrase en ancien langage, et Eragon crut entendre résonner un coup de gong au fond de son esprit. Les écailles de la dragonne s’illuminèrent d’une lumière intérieure et, pendant une brève seconde, elle sembla taillée dans une étoile.
C’était un nom majestueux, non dépourvu d’une certaine tristesse, car il la désignait comme la dernière femelle de son espèce. Il exprimait l’amour et la dévotion qu’elle avait pour Eragon, ainsi que divers traits de sa personnalité. Ses défauts y étaient présents autant que ses qualités. Mais ce qui dominait était une image de feu, de grandeur et de beauté.
Elle s’ébroua, et un frémissement la parcourut du bout du nez jusqu’à l’extrémité de la queue :
« Je sais qui je suis ! »
Glaedr parut impressionné :
« Bravo, Bjartskular ! Voilà un nom dont tu peux être fière. Cependant, évite de le répéter, même pour toi, tant que nous ne serons pas… là où nous devons aller. Maintenant que tu le connais, prends bien soin de le garder secret. »
« Oui, maître », dit-elle en secouant ses ailes.
Eragon remit Brisingr au fourreau et s’approcha de la dragonne. Elle baissa la tête pour se mettre à sa hauteur. Appuyant le front sur son museau, il lui prit les mâchoires entre les mains et serra si fort que les écailles dures lui blessèrent les doigts. Des larmes brûlantes lui roulaient sur les joues.
« Tu pleures ? demanda-t-elle. Pourquoi ? »
« Parce que… j’ai tant de chance d’être lié à toi ! »
« Petit homme. »

Le plus vieux des Eldunarí, un dragon du nom de Valdr – ce qui signifie le Manieur en ancien langage –, ne s’adressa directement à eux qu’une seule fois. Ils reçurent de lui la vision de rayons lumineux se transformant en vagues de sable, accompagnée de l’impression déconcertante que tout ce qui paraissait solide n’était qu’un espace vide. Il leur montra ensuite un nid de jeunes étoiles endormies, et Eragon sentit leurs rêves clignoter dans son esprit à la vitesse d’un battement de paupière. D’abord, Valdr n’eut que du mépris pour les jeunes étoiles, et leurs rêves lui semblèrent enfantins, insignifiants. Puis son regard changea, se fit chaleureux, compréhensif, et les plus minuscules soucis des étoiles grandirent en importance, jusqu’à égaler les préoccupations des rois.
Valdr s’attarda sur cette vision, comme pour s’assurer qu’Eragon et Saphira ne l’oublieraient pas au milieu de tous leurs autres souvenirs. Cependant, ni l’un ni l’autre n’était certain d’avoir compris l’intention du dragon, et Valdr refusa de s’expliquer davantage.

Murtagh dit alors :
— Tu m’a eu par ruse.
— C’était le seul moyen.
— Telle a toujours été la différence entre toi et moi, grogna le jeune homme.
Il plongea les yeux dans ceux d’Eragon :
— Tu étais prêt à te sacrifier, pas moi. Pas à l’époque.
— Maintenant, tu y est prêt.
— Je ne suis plus le même. J’ai Thorn, et…
Il hésita, esquissa un haussement d’épaules :
— Je ne me bats plus pour moi… ça change tout.
Il inspira difficilement :
— Je te trouvais fou de risquer ta vie ainsi. À présent, je vois les choses autrement. Je comprends… pourquoi. Je comprends…
Ses traits se détendirent comme s’il avait oublié la douleur, et il parut illuminé d’une lumière intérieure :
— Je comprends… nous comprenons, chuchota-t-il.
Et Thorn émit un son étrange, mi-plainte, mi-grondement.
— Tu penses être absent longtemps ?
— Jusqu’à ce que le monde ne paraisse plus aussi rempli de haine, qu’on ne se croie plus obligés de déchiqueter les montagnes et de rougir la mer de sang.



