C’est quoi cette page ?
J’aime garder une trace écrite de tout ce que je lis car j’aime me dire qu’à l’issue d’une lecture, celle-ci m’a fait grandir ou alors au moins apporter quelque chose. D’où les chroniques.
Or, il y a parfois certains passages qui me marquent tellement que je ne souhaiterais jamais les oublier.
J’ai adoré, ça m’a touché, fait pleurer, fait rire, réfléchir etc. Je les mets tous ici et les partage avec vous 🤓
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✨ Le Blog des Chroniques Funtti ✨
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— Tu crois que tu pourras trouver un autre endroit pour te connecter avec les yrûn ?
Phfas haussa les épaules.
— Ça n’a aucune importance. Ce n’est plus la guerre des yrûn. Et ce n’est pas non plus celle des Zhusks.
— Alors pourquoi es-tu venu ?
Le chaman pencha la tête en arrière et éclata d’un rire aigu.
— Serais-tu comme les autres, cher neveu ?
Adrogans poussa un grognement.
— Cesse de t’exprimer par énigmes.
— Réfléchis bien, c’est loin d’être un casse-tête.
Adrogans passa sa main sur son visage sale et fatigué. Les Zhusks étaient un peuple aborigène qui vivait sur le plateau zhusk, près de la frontière qui séparait l’Okrannel de la Jerana. Ils ne reconnaissaient aucun maître, ne rendaient hommage à personne, et, sur leurs terres, ils pouvaient se révéler de redoutables combattants. C’était du moins ce qu’Adrogans supposait, car il était lui-même à demi zhusk, et cela faisait si longtemps qu’il combattait les Aurolanis que Phfas et les autres s’étaient joints à lui par simple loyauté envers lui. Leur région n’étant plus menacée`, il se demandait s’ils voudraient rentrer chez eux.
— Même en y réfléchissant, ça reste un casse-tête.
Phfas secoua la tête, puis il posa la main gauche sur le genou d’Adrogans.
— Même toi, tu as cessé de considérer les Zhusks comme des hommes. Cette guerre concerne tous les hommes. Les Zhusks n’apprécient pas les autres humains. Nous les considérons comme nos ennemis, mais ils n’en demeurent pas moins des hommes. Si nous laissons notre famille au mains des Aurolanis, nous cessons d’en être.
Adrogans laissa tomber sa main droite sur celle de Phfas.
— Je te demande pardon, mon oncle. Tu as raison. J’avais cessé de vous considérer comme des hommes.
— C’est assez fréquent…chez les hommes. (Le chaman désigna du doigt la longue colonne de soldats qui peinait dans la vallée.) Ils sont tous loin de chez eux. Aucun d’eux ne possède d’yrûn. S’ils continuent, nous suivons.
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Mon père, qui s’appelait Joseph, était alors un jeune homme brun, de taille médiocre, sans être petit. Il avait un nez assez important, mais parfaitement droit, et fort heureusement raccourci aux deux bouts par sa moustache et ses lunettes, dont les verres ovales étaient cerclés d’un mince fil d’acier. Sa voix était grave et plaisante et ses cheveux, d’un noir bleuté, ondulaient naturellement les jours de pluie.
Il rencontra un dimanche une petite couturière brune qui s’appelait Augustine, et il la trouva si jolie qu’il l’épousa aussitôt.
Je n’ai jamais su comment ils s’étaient connus, car on ne parlait pas de ces choses-là à la maison. D’autre part, je ne leur ai jamais rien demandé à ce sujet, car je n’imaginais ni leur jeunesse ni leur enfance.
Ils étaient mon père et ma mère, de toute éternité, et pour toujours. L’âge de mon père, c’était vingt-cinq ans de plus que moi, et ça n’a jamais changé. L’âge d’Augustine, c’était le mien, parce que ma mère, c’était moi, et je pensais, dans mon enfance, que nous étions nés le même jour.
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— Tu as beaucoup souffert par ma faute. Je ne comprends pas comment tu peux encore être amoureux de moi.
— Le ciel est bleu, le soleil brille et Aspen aime America. Ainsi va le monde.
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Ses yeux scrutaient mon visage. Il fronça les sourcils, et une ride verticale se creusa entre ses yeux. Bleus. L’océan. Le ciel. L’amour de ma vie.
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— Je t’observe depuis un moment, me dit-il.
— Je ne vous ai jamais vu.
Je relevai le menton d’un air de défi. Je n’avais pas conscience de lui présenter mon cou.
— Le problème, pour toi… c’est que je suis tombé amoureux, reprit Rhode sur le ton de la confession.
— Vous ne pouvez pas m’aimer, protestai-je sottement. Vous ne me connaissez pas.
— Ah non ? Je t’ai vu prendre soin du verger de ton père. Je t’ai vu tresser tes cheveux par la fenêtre de ta chambre. Je sais que quand tu marches, tu rayonnes, lumineuse comme la flamme d’une chandelle. Je sais depuis un moment déjà que j’ai besoin de toi auprès de moi. Je te connais, Lenah. Je te connais jusqu’au dernier souffle.
— Moi, je ne vous aime pas, objectai-je sans savoir du tout pourquoi.
Ma poitrine palpitait à chaque respiration.
— Allons, me répondit Rhode en inclinant la tête sur le côté. Vraiment ?
Si, je l’aimais. J’aimais sa rudesse contredite par une peau sans défaut et absolument lisse. Il aurait pu me raconter qu’il avait vaincu un dragon les mains liées derrière le dos, je l’aurai cru. Peut-être était-ce l’attraction spécifique aux vampires. J’ignorais, à ce moment-là, ce qu’était Rhode, mais plus le temps passe, plus je suis certaine d’être tombée sous le charme à cet instant même.
Rhode me toisa de la tête aux pieds, et je me rendis compte qu’il voyait mon corps à travers ma chemise de nuit. Il fit glisser un de ses doigts sur ma gorge, le passa entre mes seins et s’arrêta à mon nombril. Je frissonnai. Soudain, il passa une main autour de ma taille et m’attira contre lui. Tous ses gestes étaient fluides, comme chorégraphiés. Le claquement de nos corps mouillés et le contact de sa main sur mon front lorsqu’il en chassa une mèche de cheveux… Il gémit en plongeant ses yeux dans les miens. Et à cet instant précis, Rhode enfonça ses dents dans mon cou, si prestement que je ne perçus même pas le petit craquement de ma peau cédant sous ses crocs.
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Il me fixa de longues secondes, avant de chuchoter d’une voix sensuelle, horriblement tentatrice :
— Je peux te défendre contre tout et contre tous. Je suis invincible. Je peux te débarrasser de tes ennemis.
— Je n’ai pas d’ennemis.
— Je peux t’apporter une puissance comme tu n’en as jamais connue. Pour cela, tu n’as qu’à commander.
— Cela ne m’intéresse pas.
— Je peux voler pour toi, et même tuer si c’est ce que tu souhaites.
— Non, merci, répondis-je d’une voix où l’exaspération se disputait à l’incrédulité.
Il se tut tandis que son regard s’enflammer.
— Je peux vivre avec toi, reprit-il alors d’une voix à la lascivité indécente. Tu ne serais plus jamais seule. Je peux être ton compagnon où ton amant. On m’a déjà dit que j’étais plutôt doué dans ce domaine.
Le sang se retira brusquement de mon visage. Je m’écartai de lui avec une horreur non déguisée.
— Espèce de salopard. Pour qui me prends-tu ? éructai-je avec fureur.
— Exactement pour ce que tu es. Une femme seule, en manque affectif, déboussolée et persuadée d’être bonne à mettre au rebus.
Je m’enroulai sous le choc, et plongeai le visage dans mes mains.
— Je suis ton esclave. Tu peux disposer de moi comme bon te semble.
— Va-t’en, soufflai-je avec écœurement.
Il ne bougea pas.
— Va-t’en.
Je sentis son amusement. Je relevai alors la tête vers lui et le fixai avec hargne.
— Va-t’en. C’est un ordre.
Le sourire glacial qui lui étira les lèvres me fit comprendre que je venais d’échouer à son test minable. Je perdis alors complètement mon sang froid.
— Sors d’ici !
— Bien, maîtresse.
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J’allai m’asseoir en haut des marches du balcon ouest. L’un des agents de sécurité de la gare me jeta un rapide coup d’œil, mais j’étais à présent vêtu comme un respectable bureaucrate, je n’étais ni endormi ni visiblement ivre, si bien qu’il me ficha la paix. Je pris la mesure logistique de mon environnement. Grand Central était plus qu’une gare de chemin de fer ; c’était un noyau vital du substrat de la ville, son vaste monde souterrain de tunnels et de grottes. Des centaines de milliers de gens passaient par ici tous les jours, la plupart sans jamais regarder plus loin que le bout de leurs chaussures. En d’autres termes, c’était l’endroit parfait pour ce que j’avais à faire.
J’attendis. Les heures passèrent, et puis les jours. Personne ne semblait me remarquer, ou du moins s’étonner de ma présence. Trop d’autres événements.
Et puis, après un moment d’une durée inconnue, j’entendis un son que je n’avais jamais encore entendu. C’était le son que fait le silence quand il ne reste plus personne pour écouter. La nuit était tombée. Je quittai ma place sur les marches et sortis. Il n’y avait pas une lumière allumée où que ce soit ; les ténèbres étaient tellement absolues que j’aurais pu être en mer, à des milles de tout rivage. Je levai les yeux et contemplai la plus étrange des vues. Des étoiles, des centaines, des milliers, des millions d’étoiles, fixées dans leur lente rotation au-dessus du monde vide, comme elles le faisaient depuis le commencement des âges. Leurs petites têtes d’épingle lumineuses tombaient sur mon visage comme des gouttes de pluie qui crépitaient, issues du passé. Je ne savais pas ce que j’éprouvais, juste que je le ressentais ; alors, enfin, je commençai à pleurer.
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Spade s’enfonça dans son fauteuil et une expression satisfaite passa sur ses traits. Nous écouter, Bones et moi, nous chamailler sur la définition du terme « risque raisonnable » lui semblait certainement un juste retour des choses.
A ce moment, la personne dont je m’attendais le moins au soutien entra dans la cuisine, totalement nue à l’exception d’un drap enroulé autour des hanches.
— Inutile de te fatiguer, Crispin. Tu as épousé une guerrière, alors arrête d’essayer de la convaincre de jouer les spectatrices.
— Le jour où tu aimeras quelqu’un d’autre que toi, j’écouterai peut-être tes conseils matrimoniaux, Ian, répliqua Bones d’une voix glaciale.
— Eh bien, c’est aujourd’hui, rétorqua sèchement Ian, parce que je t’aime, espèce de sale gamin borné. Et j’aime aussi le dandy arrogant et privilégié qui nous regarde avec un sourire suffisant… (il désigna Spade de la main, et le sourire en question s’effaça immédiatement) ainsi que le vampire aux émotions instables qui m’a créé. Et toi, Crispin, tu es tombé amoureux d’une furie assoiffée de sang qui a dû tuer plus de personnes en trente ans que moi en deux siècles, alors je te le répète, n’essaie pas de la convaincre qu’elle est autre chose que ce qu’elle est.
Denise resta bouche bée, soit à cause de la description fort peu flatteuse dont Ian venait de nous gratifier, soit parce qu’elle venait d’apprendre que j’avais tué plus de monde que lui. Le visage de Spade était désormais de marbre, mais un muscle palpitait sur la mâchoire de Bones. C’était la seule indication de ce qu’il ressentait, car il avait recouvert son aura d’un linceul impénétrable.
Quant à moi… je ne savais pas si je devais gifler Ian pour avoir traité Bones de sale gamin borné ou le remercier d’avoir mis les choses à plat. J’étais peut-être fatiguée de cette existence faite de combats et de dangers mortels, mais le fait était que je m’y sentais comme un poisson dans l’eau.
Certaines personnes viennent au monde pour devenir des mères, des pères, des inventeurs, des artistes, des orateurs, des prêcheurs… mais j’avais mon petit destin rien qu’à moi.
— Il a raison, dis-je calmement. Mon talent, c’est de tuer. C’est ce que je fais depuis que j’ai seize ans, quand je me suis attaquée à mon premier vampire sans rien savoir sur eux.
Je m’approchai de Bones et pris son visage entre mes mains.
— C’est toi qui m’as appris à juger les gens par ce qu’ils font, et pas par ce qu’ils sont. Tu m’as sauvée d’une vie de tristesse, de regrets et de reproches. Le moment est venu de me laisser agir selon ma nature, Bones… et si cela peut te consoler, dis-toi que grâce à toi, je suis devenue la meilleure tueuse possible, ajoutai-je avec un sourire désabusé.
Il posa ses mains sur les miennes, sa peau vibrant d’une puissance parfaitement contenue. Puis il me donna un baiser, à la fois doux et fougueux.
Ce fut pour cela que lorsqu’il parla, je n’en crus pas mes oreilles.
— Tu as raison, ma belle. Mais je refuse tout de même de participer à cela.
Puis, sous mes yeux ébahis, il sortit de l’appartement.
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J’en étais à ma troisième bouteille de Jack Daniels lorsque Bones arriva. La nuit tombait, et les derniers rayons du soleil donnèrent une teinte rougeâtre à ses cheveux lorsqu’il passa la porte. Le simple fait de voir son corps rigide et musclé me fit serrer la main davantage autour de la bouteille de whiskey. La vache, ce qu’il était beau, mais il fallait que j’étouffe mes idées obscènes et que je tourne mes pensées vers autre chose. Les machines agricoles. L’élevage. La crise économique.
— Bon Dieu, Chaton, c’est comme ça que tu as passé ta journée ? Une bouteille à la main ?
Le ton moralisateur de Bones refroidit mes ardeurs temporaires. Bien, pas la peine de réfléchir au déclin de la nation !
— Tu as un teint magnifique, alors tu es mal placé pour critiquer, dis-je. C’est pour ça que tu as mis tant de temps ? Elle était particulièrement appétissante ?
J’étais jalouse, aussi irrationnel que cela puisse paraître. Bones se nourrissait de femmes pour deux raisons : son allure lui permettait de les charmer avec une facilité déconcertante, et il préférait leur goût à celui des hommes. Je n’avais pas cru que Bones puisse apprécier la différence entre le sang masculin ou féminin jusqu’à ce qu’il me prouve le contraire. Il était capable d’identifier sans la moindre erreur le genre de tout échantillon de sang. Il avait même ajouté un jour qu’il pensait avoir acquis le goût des œstrogènes avec le temps.
— Ce qui est sûr, c’est qu’elle n’était pas imbibée de whiskey, me rétorqua-t-il en s’approchant de moi et en fronçant les sourcils à la vue de ma bouteille presque vide. C’est tout ce que tu as avalé aujourd’hui ?
— Tout juste, Crispin, claironna Ian. Elle a passé la journée à boire avec la détermination d’un poivrot irlandais.
Je n’avais rien à lancer sur Ian, à part mon whiskey, et il n’était pas question que je le lâche.
— Va te faire voir, Ian !
Bones s’empara de ma bouteille, mais j’avais prévu sa manœuvre. Je m’accrochai et nous tirâmes chacun de notre côté.
— Lâche ça, aboya-t-il en m’arrachant mon trophée. Tu as besoin de te nourrir, Chaton, et de boire une bonne dizaine de litres d’eau. Enfin, où est ta mère ? Cette satanée bonne femme n’est même pas capable de veiller à ce que tu ne meures pas de faim ?
S’il avait pour but de me mettre en colère, il n’aurait pas pu choisir de meilleur moyen.
— Ne te gêne pas. Fais-moi nourrir, abreuver et tenir en laisse par quelqu’un. Tu sais ce que tu aurais dû épouser, Bones ? Un chien, comme ça tu n’aurais pas eu à t’inquiéter qu’il lui prenne occasionnellement l’envie d’agir de son propre chef.
— Exactement ce qu’il me manquait, grommela-t-il en se passant la main dans les cheveux. Rentrer chez moi pour y affronter une harpie bourrée qui ne rêve que de m’arracher la tête.
Comment ça, ce qui lui manquait ? C’était moi qui m’étais fait assommer, droguer, et qui avais été réduite à se faire nourrir à la cuiller, tout cela à cause d’un vampire fou qui m’avait kidnappée à seize ans et qui refusait d’admettre l’évidence.
— Jouer les harpies bourrées, ça a été le meilleur moment de ma semaine, alors tu m’excuseras de ne pas t’attendre à la porte avec une cible rouge sur mon cou pour t’indiquer où prendre ton dessert.
J’étais en partie horrifiée par ce que je venais de dire. Après tout, ce n’était pas contre Bones que j’étais en colère, mais contre les circonstances. Malheureusement, j’avais craqué et dit des choses que je ne pensais pas vraiment. Je ne pouvais même pas accuser Jack Daniels. Mon statut d’hybride m’immunisait contre les effets pervers de l’alcool.
— Pour l’instant, j’ai l’impression que c’est exactement ce dont tu as besoin, me rétorqua Bones. C’est ce que tu veux ? Il faut que je te monte au lit et que je te saigne un bon coup pour évacuer ta hargne ? Même si je préfère te flanquer une bonne raclée pour te remettre les idées en place, en tant que vampire, je suis à la hauteur de la tâche, que j’en aie envie ou pas.
J’en restais bouche bée, et je ressentis un désir impérieux de le gifler.
